Les passions sont au cœur des préoccupations philosophiques, religieuses et artistiques depuis l’Antiquité. Au XVIIe siècle, elles fascinent les artistes et les penseurs. Dans son traité philosophique intitulé Les Passions de l’âme (publié en 1649), DescartesRené Descartes, 1596-1650, mathématicien, physicien et philosophe français en répertorie sixLes autres seraient des conjugaisons de ces six passions « primitives ». : l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie ou la tristesse. Il les distingue des « actions de l’âme » (la volonté) et les identifie à « des perceptions », « des émotions de l’âme » (donc indépendantes de notre volonté). Il va même jusqu’à décrire leurs symptômes : réchauffement du corps pour la joie, ralentissement du pouls et refroidissement de la poitrine pour la haine, etc.
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Les passions dans la musique baroque
Je suis la musique, et par mes doux accents
Je sais apaiser les cœurs tourmentés,
Et enflammer d’amour ou de noble courroux
Même les esprits les plus froids.
Extrait de L’Orfeo de Monteverdi, 1607
Un peu de philosophie
La musique à l’orée du XVIIe siècle
Déjà à l’époque de la Renaissance (XVe-XVIe siècles), la musique, extrêmement riche et complexe, est influencée par les passions. Les compositeurs illustrent des mots, des sentiments et des idées par des figures musicalesun mouvement vers les aigus peut illustrer le ciel, le divin ; un silence, un soupir ou la mort ; une ondulation entre deux notes, l’eau… dans des œuvres polyphoniques. Les mélodies des différentes voix s’y entremêlent et se superposent savamment : c’est l’âge d’or du contrepoint. Mais, vers 1600, les compositeurs rêvent d’une musique qui s’ajuste parfaitement au texte et à la poésie. Ils cherchent notamment à exprimer toutes les passions, même les plus fortes et les plus extrêmes, et à donner à la musique le pouvoir d’émouvoir. Un nouveau style d’écriture va naître : c’est le début de l’époque baroque.
Une nouvelle écriture de la musique
Une expression individualisée
Dans la musique vocale, encore dominante, les compositeurs délaissent l’écriture polyphonique de la Renaissance : ils vont simplifier le tissu musical afin de dégager le sens du texte, en faire comprendre chaque mot. Texte et mélodie sont alors confiés à une voix principale (ou plusieurs dans le cas de duos ou trios). Ainsi individualisée, la musique permet d’exprimer toute la palette des sentiments ressentis par le chanteur : amour, tristesse, douleur... La mélodie est soutenue par une ligne de basse omniprésente, confiée à divers instrumentssouvent un instrument polyphonique (clavecin, orgue, théorbe) accompagné d’un instrument mélodique (violoncelle, contrebasse, viole de gambe, basson), qui harmonise le chant : c’est ce qu’on appelle la basse continue.
La naissance de l’opéra
Tandis que les chanteurs deviennent alors interprètes au même titre qu’un comédien, un nouveau genre dramatique se crée, l’opéra, au sein duquel deux styles de chant se développent : le récitatif et l’air. Dans le récitatif, la mélodie se rapproche au maximum des inflexions de la voix parlée. Il devient alors le lieu de l’action (exposition de la pensée et des sentiments, annonce, dialogue...), exprimée à la manière d’un jeu théâtral amplifié par la musique, et sert d’introduction aux airs qui, eux, concentrent les grands moments d’expression des passions les plus intenses. Colère, désespoir, amour, les airs se déclinent en différentes catégories, caractérisés par la passion qu’ils expriment : lamento, air de tempête ou fureur figurant les tourments intérieurs, air de jalousie ou vengeance…
Dans la musique sacrée
L’expression des passions au travers d’airs, récitatifs, duos, trios, se retrouve également dans la musique sacrée dont les différents genres (les oratorios, cantates d’église, motets, stabat mater...) évoluent en parallèle de l’opéra. Les innovations musicale imprègnent alors la musique sacrée au même titre que la musique profane.
De nouveaux genres instrumentaux
Soutenue par la basse continue, la monodie accompagnée se généralise. En parallèle, la théâtralisation du discours musical permet au style concertant, jouant sur le dialogue entre des groupes opposés, de se développer. Ces procédés d’écriture vocale sont transposés dans la musique instrumentale, qui voit l’apparition de nouveaux genres comme la sonate. Dans les concertos, les violons, flûtes, claviers et autres instruments endossent le rôle des solistes. La musique devient indépendante du texte et les passions sont exprimées à travers ses contrastes et ses figures développées depuis la Renaissance puis dans l’opéra et la musique sacrée. Tout l’orchestre est bientôt mis au premier plan avec le développement progressif d’une musique pour ensemble instrumental.
Auteure : Aurélie Loyer