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Stabat Mater Giovanni Battista Pergolesi
Carte d’identité de l’œuvre : Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi |
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Genre | musique sacrée, musique vocale |
Texte | texte liturgique datant du début XIIIe siècle, attribué à Jacopone da Todi |
Langue du livret | latin |
Commanditaire | le duc de Maddaloni ou des franciscains membres de la Confrérie des chevaliers de la Vierge des sept douleurs |
Composition | 1736 au monastère de Pozzuoli (Campanie) |
Création | potentiellement 1736 à l’occasion de la Semaine sainte |
Forme | 12 numéros : 1- Stabat Mater dolorosa, duo 2- Cujus animam gementem, air de soprano 3- O quam tristis, duo 4- Quae moerebat et dolebat, air d’alto 5- Quis est homo, duo 6- Vidit suum dulcem natum, air de soprano 7- Eja Mater, air d’alto 8- Fac ut ardeat cor meum, duo 9- Sancta Mater, duo 10- Fac ut portem Christi mortem, air d’alto 11- Inflammatus et accensus, duo 12- Quando corpus morietur / Amen, duo |
Instrumentation | voix : soprano et alto solistes ensemble instrumental : violons 1 et 2, altos et basse continue |
La dernière œuvre de Pergolesi
Un doute subsiste sur le commanditaire du Stabat Mater : ce pourrait être le duc de Maddaloni, mécènepersonne soutenant financièrement un artiste de Pergolesi, ou bien des franciscains, membres de la Confrérie des chevaliers de la Vierge des sept douleurs. Cette œuvre vient remplacer le Stabat Mater composé vingt ans plus tôt par Alessandro Scarlatticompositeur italien, l’un des premiers représentants de l’école napolitaine ; 1660-1725 et interprété chaque année à l’occasion de la fête de la Vierge des sept douleurs, le vendredi précédant les RameauxDans le calendrier liturgique, le dimanche des Rameaux est le dimanche précédant le dimanche de Pâques.. Pergolesi a comme seule contrainte d’utiliser le même effectif réduit que son prédécesseur : un ensemble à cordes, un continuoAccompagnement typique de l’époque baroque, le continuo (ou basse continue) réalise des accords à partir d’une ligne de basse chiffrée. Elle est confiée à un instrument polyphonique (clavecin, orgue, théorbe...) souvent accompagné d’un instrument mélodique (viole de gambe, violoncelle...). et deux voix. Il travaille au Stabat Mater lors de sa retraite au monastère de Pozzuoli. C’est la dernière œuvre qu’il compose. Quelques jours avant sa mort, il lègue la partition à l’un de ses premiers professeurs, Francesco Feo (1691-1761). Il n’entendra jamais le fruit de son travail mais il est possible que la pièce ait été interprétée cette même année, lors d’une impressionnante procession de la fête de la Vierge où se mêlaient aux musiciens professionnels le peuple chantant et interprétant des danses rituelles.
Un motet concertant
Le motet est un genre musical qui apparaît au XIIIe siècle et évolue au fil des époques. Au début du XVIIIe siècle, c’est une pièce vocale polyphonique qui met en musique un texte le plus souvent religieux. Or, à Naples, Pergolesi et ses contemporains passent en permanence du genre profane au genre sacré : les innovations d’écriture pour l’opéra et la musique instrumentale se retrouvent alors dans la musique sacrée et donc dans les motets. Dans le Stabat Mater de Pergolesi, on retrouve l’influence de l’opéra à travers ses airs et ses duos accompagnés par l’ensemble instrumental et soutenus par la basse continueAccompagnement typique de l’époque baroque, la basse continue réalise des accords à partir d’une ligne de basse chiffrée. Elle est confiée à un instrument polyphonique (clavecin, orgue, théorbe...) souvent accompagné d’un instrument mélodique (viole de gambe, violoncelle...).
La théâtralisation du texte
Le texte du Stabat Mater est un texte liturgique qui date du début du XIIIe siècle. Attribué à Jacopone da Todipoète franciscain du XIIIe siècle ; environ 1230-1306, il décrit les douleurs de la Vierge devant son fils crucifié. Il a été ajouté au rituel chrétien en 1727 par le pape Benoît XIII. La première partie du texte décrit la souffrance éprouvée par Marie tandis que la seconde est une prière qui lui est adressée afin de partager ses tourments. De ce texte composé de 20 tercets (strophes de 3 vers), Pergolesi en regroupe certains afin de former 12 séquences, certaines plus longues que d’autres, alternant airs pour soliste et duos :
- 1- Stabat Mater dolorosa, duo
- 2- Cujus animam gementem, air de soprano
- 3- O quam tristis, duo
- 4- Quae moerebat et dolebat, air d’alto
- 5- Quis est homo, duo
- 6- Vidit suum dulcem natum, air de soprano
- 7- Eja Mater, air d’alto
- 8- Fac ut ardeat cor meum, duo
- 9- Sancta Mater, duo
- 10- Fac ut portem Christi mortem, air d’alto
- 11- Inflammatus et accensus, duo
- 12- Quando corpus morietur / Amen, duo
Le compositeur emploie des voix féminines – même si l’œuvre a sans doute été interprétée à l’époque par des castratsSuite à une opération pratiquée avant la puberté, les castrats sont des chanteurs ayant conservé leur timbre de soprano ou d’alto d’enfant mais qu’ils emploient avec la puissance et le souffle d’un adulte. Cette pratique était courante à l’époque où les femmes n’avaient pas le droit de chanter dans les églises. ou des enfants –, le timbre des voix rappelant ainsi celui d’une mère. Pergolesi se rapproche une nouvelle fois de l’opéra en accentuant le côté humain de l’œuvre : évoquant Marie pleurant au pied de la croix, il théâtralise le texte afin d’exprimer l’affect central du Stabat Mater, à savoir la douleur.
3. O quam tristis et afflicta : un exemple de rapport entre texte et musique
Texte en latin
O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
Mater Unigeniti.
Traduction en français
Qu’elle était triste et affligée
la Mère entre toutes bénie
du Fils unique !
Les premières secondes de ce duo montrent à quel point Pergolesi trouve son inspiration musicale dans le sens de chacun des mots employés. Ici, le tercet est empreint de deux expressions contrastées :
- la tristesse et l’affliction sont palpables dans les quatre premières mesures : emploi de dissonances, saut d’intervalle descendant sur « et afflicta » ... ;
- ensuite, après un instant de suspension (point d’orgue), la lumière apparaît : sur le doux balancement créé par la répétition du rythme bref-long (rythme iambique), la mélodie s’envole sur le mot « benedicta ». Puis, le mot « mater » est mis en exergue par des valeurs longues apposées aux deux syllabes, tandis que l’évocation du « Fils unique » est agrémentée de délicats ornements sur le terme « geniti ».
Après une transition orchestrale, Pergolesi répète le texte du tercet. Mais s’il emploie certains procédés identiques à la première partie (sauts d’intervalle sur « et afflicta » et « benedicta », valeurs longues sur « mater »), l’atmosphère est différente : la tristesse l’emporte sur la lumière et envahit toute cette seconde partie. Il n’y a plus aucun balancement ni ornements, et la deuxième voix fait entendre une montée chromatique très expressive.
Auteure : Aurélie Loyer