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Écho et Narcisse Christoph Willibald Gluck 2. Le langage musical
L’argument
Prologue
Le rideau s’ouvre le jour des noces d’Écho et Narcisse : l’Amour personnifié se plaint qu’Apollon - convoitant Écho - ait jeté un sort à Narcisse qui est depuis amoureux de son propre reflet.
Acte I
Écho se rend compte que Narcisse se détourne d’elle : elle le croit alors épris de Doris. Troublée, elle vient faire une offrande à l’autel de l’Amour et découvre par hasard Narcisse s’adressant amoureusement à sa propre image, qu’il contemple dans l’eau ! Écho s’approche de Narcisse, qui la fuit. Désespérée, elle ne veut plus vivre et se confie à Cynire.
Acte II
Écho se laisse mourir. Un chœur de jeunes nymphes la soutient et cherche à la ramener à la vie. De son côté, Narcisse est toujours amoureux de sa propre image, alors que Cynire cherche à le détromper. Narcisse semble échapper peu à peu au sort qui lui a été jeté, mais il est trop tard : Écho se meurt.
Acte III
Les nymphes déplorent la mort d’Écho et Narcisse chante sa douleur. L’Amour surgit providentiellement et rend la vie à Écho, qui retrouve son cher Narcisse. Un grand chœur final clôt l’œuvre dans l’allégresse générale.
Description scène par scène
Ouverture
Gluck marque dès l’Ouverture le caractère pastoral de l’œuvre par le doux balancement d’une mélodie calme, dans la tonalité lumineuse de ré majeur. C’est l’orchestre principalhautbois, cors, violons, altos, violoncelles et contrebasses qui la joue, auquel répond l’orchestre secondaireclarinettes, basson, et violons, caché, comme un écho.
Prologue
Le Prologue débute par un chœur de femmes à deux voix (« À l’ombre de ces bois épais, dans une tranquille indolence »), accompagné des violons et de la flûte solo qui déroulent une souple guirlande de triolets. Puis vient le récitatif de l’Amour (« Cessez de vous jouer sur cette humble fougère ») où un vif passage en doubles croches jouées par les cordes évoque le départ des zéphyrs.
Dans l’air suivant (« Rien dans la nature n’échappe à mes traits »), Gluck utilise un figuralisme efficace : les flèches décochées par l’Amour sont représentées musicalement par quatre rapides notes ascendantes aux premiers violons et aux cors, le tout en ré majeur, la tonalité rayonnante de l’Ouverture.
Le contraste est saisissant avec l’entrée dansée des Peines dans le plus sombre ré mineur, contrebalancé par l’entrée des Plaisirs et les interventions chantées de l’Amour.
Scène 1. La première scène débute par l’intervention d’Aglaë, qui s’adresse aux nymphes et aux sylvains, avant que ne se fasse entendre un chœur dansé à quatre voix. Les nymphes et les sylvains se produisent ensuite, dans la douce tonalité pastorale de fa majeur, avec de jolis effets d’alternance entre des nuances forte et pianoindiquées par Gluck dans sa partition finale de 1781. Les cordes seules enchaînent avec un menuet, puis un dernier air chanté par Eglé (« Écho par un charme innocent du pur amour étend l’empire ») termine cette première scène.
Scène 2. Entourée des nymphes, Écho apparaît dans un récitatif accompagné par les cordes. Une pantomime dans la sombre tonalité d’ut mineur - qui a peut-être valeur de pressentiment - succède à cette première présentation.
Scène 3. Écho se confie à son ami Cynire, alternant récitatif et air : elle craint que Narcisse lui soit infidèle. Gluck, en bon dramaturge, indique sur sa partition les mentions suivantes, au moment où Écho confie son doute : « avec une confiance déchirante », « emporté et vif ».
Scène 4. Écho, restée seule, s’adresse à l’Amour : après un court récitatif accompagné par les cordes seules, elle chante un gracieux airindiqué « Dolce con espressione » par Gluck, puis se ravise (récitatif « Non, j’ai trop connu ses mépris »).
Scène 5. Eglé apparaît et s’adresse à Écho (air « Vous différez nos jeux »). Celle-ci lui répond par un court récitatif : elle vient d’apercevoir Narcisse et décide de l’observer.
Scène 6. Narcisse s’adresse à sa propre image, s’appelant « divinité des eaux » ! Comme pour figurer le héros et son reflet, flûtes et violons jouent, se doublant à la tierce. Les clarinettes puis les hautbois répondent suivant le même procédé, soutenus par les notes tenues du cor et des cordes graves. Gluck suit encore une fois le sens du texte qu’il illustre par d’efficaces figuralismes : les trémolos des cordes accompagnent les paroles « tremble pour l’objet de tes feux », ainsi que « quel embarras, quelle peine cruelle ! » quand Narcisse découvre la présence d’Écho.
Scène 7. Écho, désespérée, chante dans un récitatif désolé « Je n’ai plus qu’à mourir ». L’air qui suit fait entendre de brusques decrescendos sur les mots « ardeur », « tendre », « céderait », qui traduisent les soupirs de la jeune femme. Les paroles « je ne puis soutenir mon malheur » sont, elles, soulignées par des sforzandos efficaces aux cordes.
Ayant appris de Cynire l’envoûtement de Narcisse par Apollon, Écho chante son désespoir dans une aria finale mouvementée.
Scène 1. Eglé et Cynire dialoguent, se désolant tous deux de ne pouvoir convaincre Narcisse de revenir vers Écho.
Scène 2. Un quatuor de nymphes cherche à ramener Écho à la raison (« Ah, comment la soutenir ») : la musique s’anime, s’agite, avec un jeu d’écho entre les nymphes et le hautbois. Écho répond qu’elle sent la mort approcher (récitatif « Je perds la lumière »). Survient, en un saisissant contraste, un puissant chœur en ut mineur, à l’effet dramatique. Ce choral solennel, entrecoupé de silences, est soutenu par les trombones qui apparaissent pour la première fois dans l’œuvre. Sur un ostinato de noires joué aux basses, évoquant la pulsation du cœur, Écho chante seule ensuite, doublée par le premier violon. Le chœur lui répond.
Scène 3. Eglé aperçoit Narcisse qui évite de s’approcher d’elle.
Scène 4. À la fontaine, Narcisse persiste à admirer son image : les différents pupitres échangent de courts motifs, en imitation, dans une écriture serrée proche du contrepoint. Dans le récitatif qui suit, Cynire invite Narcisse à abandonner le reflet dont il est amoureux (« Viens, du froid de la mort, ton amante est saisie »). Le dialogue chanté entre les deux personnages donne lieu à nouveau à d’efficaces figuralismes : l’impératif « courons » est représenté par une descente rapide de doubles croches, alors que « sa voix mourante » est soutenu par un trémolo des cordes.
Dans l’air suivant « Ô combats, ô désordres extrêmes », Narcisse dévoile son trouble, traduit par des croches rapides et des trémolos. Lorsque Cynire chante « son cœur change », Gluck demande un effet de tonnerre afin d’appuyer les paroles. Le chœur solennel (derrière le théâtre) intervient à nouveau, dans la tonalité de la mineur, avec la même écriture verticale, en alternance avec les solos de Cynire et Narcisse. Les paroles « ciel elle expire » sont soulignées soigneusement par des dissonances, avant une dernière aria dramatique, marquée encore une fois par de rapides doubles croches et de nombreux trémolos.
Scène 1. La douceur pastorale du troisième acte contraste efficacement avec la fin de l’acte précédent : dans la lumineuse tonalité de si bémol majeur, le chœur des nymphes déplore l’absence d’Écho. À la flûte, doublée par le premier violon, répond la clarinette doublée par le second violon, en un court motif de quatre notes : c’est l’« écho » sonore auquel se résume maintenant l’amante désespérée, repris par le chœur à quatre voix qui suit. Le coryphéechef de chœur évoque la faible voix plaintive solitaire
, illustrée par les chromatismes des premiers violons, de la flûte et de la clarinette.
Scène 2. Récitatif de Narcisse qui se désole.
Scène 3. Cynire ne veut pas abandonner son ami à son malheur. Dans un air joyeux et dansant, il assure Narcisse de son amitié fidèle.
Scène 4. Narcisse, seul, exprime sa douleur dans un poignant récitatif, soutenu par les trémolos des cordes. Mais il enchaîne par une joyeuse aria en si bémol majeur (« Beaux lieux témoins de mon ardeur »), se souvenant des moments passés avec Écho. Celle-ci lui répond : doublée par la flûte, Écho morte ne peut hélas que répéter les fins de phrase de son amant.
Scène 5. Soudain récitatif de l’Amour, qui ramène Écho à la vie ! Un quatuor andante gracioso réunissant Narcisse, l’Amour, Cynire et Écho se met en place. De nombreux figuralismes en illustrent le texte tels que « le cœur me bat » soutenu par des doubles croches haletantes entrecoupées de demi-soupirs. Un joyeux chœur final dansant, « Le dieu de Paphos », emprunté à Orphée et Eurydice, conclut l’œuvre.
Auteur : Bruno Guilois