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L’Allemagne, berceau du romantisme
Contexte politique
La Confédération germanique, qui existe de 1815 à 1866, est formée lors du congrès de Vienne. Composée de 39 états autonomes (dont l’Autriche et la Prusse), la Confédération est prévue pour être une composante importante du nouvel ordre de l’Europe, mais son histoire est marquée par la rivalité constante entre la Prusse et l’Autriche (le « dualisme allemand ») et par les conséquences de la révolution de mars 1848. La défaite de l’Autriche lors de la guerre austro-prussienne de 1866 provoque la dissolution de la Confédération lors du traité de Prague : l’Autriche devient en 1867 l’Empire austro-hongrois, et la Prusse crée la Confédération de l’Allemagne du Nord, qui deviendra en 1871 l’Empire allemand.
Le pays connaît, comme ses homologues européens, deux révolutions : en 1830 et en 1848. D’une part, ces deux soulèvements revendiquent un nouveau modèle social, et d’autre part, ils sont animés par l’idée de nation. L’Allemagne n’achève son unité nationale qu’à la fin du XIXe siècle : il s’agit d’unifier un espace morcelé politiquement, et ce sont la langue allemande et la culture germanique qui servent de ciment à cette ambition.
Contexte culturel
L’Allemagne est également le berceau du romantisme à partir des années 1830. Amorcé par la littérature, le romantisme est un mouvement artistique qui exacerbe les émotions au détriment de la raison, d’où une angoisse de l’homme face au monde et à sa destinée. Chez les artistes, on remarque un attrait généralisé pour le fantastiqueLa frontière entre réalité et rêve, réel et imaginaire, est volontairement floue. L’ambiguïté est de mise., tantôt inquiétant, tantôt onirique. Après 1850, l’esthétique romantique de la première moitié du siècle se transforme et l’art se fait plus réaliste. Theodor StormTheodor Storm est un écrivain originaire, comme Johannes Brahms, du nord de l’Allemagne. Ses récits et poèmes rendent compte de l’esprit et du caractère des habitants de cette région sur fond de lande brumeuse. Sa nouvelle L’Homme au cheval blanc (Der Schimmelreiter, 1888) raconte les efforts d’un homme, Hauke Haien, pour construire une digue contre la mer du Nord. Son obstination face aux forces de la nature provoque l’incompréhension de ses compagnons et sa solitude., voisin de Johannes Brahms, est l’auteur de récits mélancoliques ayant pour théâtre le nord de l’Allemagne. De plus, dans la lignée des révolutions de 1830 et 1848, une veine critique et sociale se fait jour.
En musique
En Europe, le XIXe siècle musical est dominé par des figures comme Berlioz (1803-1869), Liszt (1811-1886), Wagner (1813-1883) ou encore Verdi (1813-1901). Plusieurs traits caractérisent ce siècle romantique. Tout d’abord, des musiciens simultanément compositeurs et pianistes virtuoses donnent de l’importance à la musique pour piano, parallèlement à l’amélioration de la facture de l’instrument. D’autre part, le folklore et les musiques populaires viennent également nourrir l’imagination créatrice des compositeurs avec leurs rythmes irréguliersL’impression d’irrégularité naît de l’alternance de mesures symétriques et asymétriques : une mesure à cinq temps intercalée entre deux mesures à quatre temps par exemple. et leurs sonorités atypiquesprovenant d’une tenue et d’un apprentissage des instruments différents de la musique dite « savante ». Enfin, l’orchestre grandit et devient le lieu de l’invention d’une nouvelle musique.
Les précurseurs et les modèles
Trois figures, disparues tôt au début de ce siècle, sont les précurseurs des développements qui suivent et deviennent de véritables modèles. Weber (1786-1826) chante dans ses opéras les ombres fantastiques et légendaires des forêts. Avec Beethoven (1770-1827) émerge l’artiste comme libre créateur dont l’œuvre est chargée d’une signification philosophique et historique. Dans ses liederLes lieder sont de courtes pièces musicales composées sur un poème chanté et accompagné au piano. C’est le lieu privilégié de la confession intime de l’artiste., Schubert (1797-1828) explore la complexité tragique des sentiments, ce dont Brahms se souviendra à travers l’expressivité de sa musique.
Un autre compositeur retient également l’attention : il s’agit de Mendelssohn (1809-1847). Également chef d’orchestre, il a contribué à faire connaître et à diffuser la musique de Johann Sebastian Bach (1685-1750) en la faisant jouer en concert. Ses compositions et son inventivité mélodique seront un modèle pour Brahms. Schumann (1810-1856), compositeur de la génération suivante, confie lui aussi son âme tourmentée à la voix, et au piano sa mélancolie mais aussi sa fougue. Sa rencontre avec le jeune Brahms jouera un rôle important dans la carrière du compositeur en herbe.
La nouvelle musique
De son côté, Wagner continue sur les traces de Weber en faisant revivre dans ses opéras d’un genre nouveau la mythologie germanique retrouvée. Son ambition est d’atteindre la fusion des arts en élaborant une œuvre d’art totale. Dans une direction analogue, Liszt et Berlioz dotent certaines de leurs compositions d’un message. C’est ce que l’on appelle la « musique à programme »Au XIXe siècle, une querelle oppose deux camps de compositeurs. D’un côté, ceux qui se disent les musiciens de l’avenir et qui, dans une volonté de fusion des arts, veulent traduire en musique une idée, un récit. De l’autre, des compositeurs pour qui la musique n’exprime rien de littéral et qui considèrent qu’il est arbitraire de lui faire correspondre des mots. à laquelle on a longtemps opposé la « musique pure » ou « musique absolue » de compositeurs tels que Brahms. Toutefois, cette opposition n’est pas aussi simple. En effet, la musique de Brahms n’est quelquefois pas exempte d’une idée extra-musicale comme en témoignent le réemploi d’un thème existant, la dédicace à un proche ou la mise en musique d’un poème.
Auteures : Marie Zalczer et Elsa Siffert