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Les animaux en musique
Thème récurrent des comptines pour enfants, les histoires d’animaux parlent tout aussi bien aux adultes. En musique, on utilise depuis longtemps le règne animal comme source d’inspiration et ce, dans le monde entier. Les compositeurs évoquent les animaux de différentes façons : cri retranscrit dans la mélodie, démarche suggérée par un rythme, rapidité ou souplesse évoquées par la vitesse (tempo) et la virtuosité des instruments... L’animal peut aussi être le sujet de l’histoire racontée en musique, ou du moins l’un des personnages importants. L’auditeur se retrouve alors propulsé dans l’univers des contes et légendes dans lesquels, assez souvent, on se sert des animaux pour parler des hommes.
Évoquer l’animal en musique
Les imitations de cris d’animaux jalonnent tous les styles de musique. Ainsi en est-il tout particulièrement des oiseaux, dont le cri est déjà appelé « chant » ! Un des exemples les plus fameux est une composition de Clément Janequin, compositeur de la Renaissance française, intitulée justement Le Chant des oyseaulx. Dans cette pièce, c’est la voix qui est utilisée pour imiter différents chants d’oiseaux par le biais d’onomatopées variées. Dans les couplets successifs, les quatre chanteurs imitent ensemble l’alouette, le merle, l’étourneau et le rossignol. Le couplet final est consacré au coucou. Beaucoup plus près de nous, au XXe siècle, le compositeur français Olivier Messiaen enregistre, étudie et retranscrit le chant des oiseaux (animaux qu’il considère comme des messagers de Dieu). Il en nourrit son langage musical dans son Catalogue d’oiseaux pour piano par exemple, mais aussi dans Réveil des oiseaux pour piano et orchestre, ainsi que d’en beaucoup d’autres pièces au titre moins explicite. La référence aux oiseaux est présente dans toute son œuvre : les chants d’oiseaux sont fidèlement retranscrits, mais ralentis et transposés dans une tessiture plus grave, et attribués à différents instruments.
En dehors de la voix humaine, les instruments à vent sont souvent privilégiés pour évoquer les oiseaux. La flûte traversière, notamment, est fréquemment employée pour cet usage. C’est d’ailleurs l’instrument choisi par Sergueï Prokofiev dans Pierre et le loup pour représenter l’oiseau. L’autre animal à plume, le canard, est quant à lui représenté par le hautbois, dont le son pincé évoque parfaitement les cancans. Dans Le Carnaval des animaux, seules deux notes de clarinette suffisent à Camille Saint-Saëns pour rendre le chant du coucou. Enfin, dans un registre populaire, c’est à la flûte de pan que revient le rôle de l’oiseau dans la danse traditionnelle L’Alouette du compositeur roumain Grigoraş Dinicu (né en 1949). Mais, par le biais de procédés musicaux, même un instrument tel que le clavecin peut rendre habilement le caquètement d’une poule. Ainsi en est-il de La Poule de Jean-Philippe Rameau, pièce dans laquelle ce compositeur de la période baroque utilise des notes piquées et répétées suivies de notes ascendantes très rapides pour évoquer les « cots cots » de la poule. Le timbre de l’instrument (à cordes pincées) ainsi que la façon dont la mélodie est écrite permettent d’imiter le cri de l’animal.
En dehors des oiseaux, d’autres cris d’animaux ont servi de matériau musical aux compositeurs à travers les siècles : toujours dans Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, les « personnages à longues oreilles » ne sont autres que des ânes, dont le « hi han » (cri aigu puis grave) est imité par les violons. Rimski-Korsakov utilise la virtuosité de ces instruments, relayés par la flûte, pour imiter le vol du bourdon dans sa pièce éponyme. Dans Pierre et le loup, le chat est représenté par la clarinette. Mais l’instrument ne doit pas simuler un miaulement : c’est la démarche féline, douce et sautillante du chat qui est évoquée par le thème. Dans Spiders de Paul Patterson, les mouvements agiles des doigts sur les cordes de la harpe sont comme les pattes d’une araignée se déplaçant sur sa toile. Similitude avec le timbre de l’instrument ou procédés musicaux, l’imitation d’un animal peut passer par différents moyens.
Des histoires d’animaux
Les animaux sont aussi pour les compositeurs un formidable moyen de raconter une histoire. En littérature, l’animal est le préféré des contes, des légendes et des fables, affinité que l’on retrouve naturellement en musique. Ces histoires permettent de toucher à la fois les enfants et les adultes, les premiers charmés par le monde sublimé de la nature, et les seconds parfois invités à méditer sur une morale, voire même sur un double sens. Car utiliser l’animal est parfois un habile moyen de parler des hommes et de dénoncer leurs défauts à demi-mot ! Dans La Petite Renarde rusée du compositeur tchèque Leoš Janáček, hommes et animaux sont placés sur le même plan et leurs destins se rejoignent. Dans Le Roi Singe, une légende asiatique ancestrale reprise par l’Opéra de Pékin, Sun Wukong, le fameux Roi Singe, est doté de pouvoirs magiques, mais aussi d’un caractère bien trempé lui permettant de vivre de belles aventures au même titre qu’un homme. Dans L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel, l’enfant est confronté à sa méchanceté et doit rendre des comptes au monde animal et même aux objets… Se servir des animaux pour raconter une histoire peut aussi constituer « l’espace de liberté » des compositeurs : Janáček écrit lui-même le livret de La Petite Renarde rusée, et Prokofiev signe également le texte de Pierre et le loup. Ainsi, les compositeurs peuvent-ils complètement mener l’œuvre exactement là où ils le souhaitent sans se conformer à un livret qu’ils n’ont pas choisi.
L’essentiel
- L’animal est une source d’inspiration musicale dans le monde entier et dans toutes les périodes de l’histoire.
- On peut imiter les cris des animaux avec la voix humaine, mais aussi avec des instruments dont le timbre ressemble au cri.
- On peut imiter les cris par des moyens musicaux (contraste aigu-grave, notes répétées, glissandi, nuances piano-forte etc.), sans que le timbre soit particulièrement ressemblant.
- L’animal permet de raconter des histoires en musique, et touche autant les adultes que les enfants.
- En parlant des animaux on veut souvent, en réalité, parler des hommes.
Auteure : Bérénice Blackstone
Morceau choisi : le bestiaire
Une sélection par le détail d’œuvres du Musée de la musique sur le thème du bestiaire.