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L’Enfant et les sortilèges Maurice Ravel
Carte d’identité de l’œuvre : L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel |
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Genre | opéra : fantaisie lyrique |
Librettiste | Colette |
Langue du livret | français |
Composition | entre 1919 et 1925 (premières ébauches en 1916) à Montfort-l’Amaury (à partir de 1921) |
Création | le 21 mars 1925 à l’Opéra de Monte-Carlo |
Forme de l’œuvre | fantaisie lyrique en deux parties |
Instrumentation | voix : solistes et chœur d’enfants bois : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 1 petite clarinette, 2 clarinettes, 1 clarinette basse, 2 bassons, 1 contrebasson cuivres : 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tubas percussions : timbales, 1 petite timbale, triangle, tambour, cymbales, grosse caisse, tam-tam, fouet, crécelle (à manivelle), râpe à fromage, wood-block, éoliphone, crotales, flûte à coulisse, xylophone, luthéalLe luthéal est un instrument à clavier inventé en 1919. À défaut de luthéal, Ravel préconise un piano droit préparé (avec de très fines lames métalliques entre les cordes et les marteaux, et des feuilles de papier sur les cordes) de façon à obtenir un timbre rappelant ceux du cymbalum et du clavecin., célesta cordes pincées : harpe cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
La genèse
En 1914, le directeur de l’Opéra de Paris, Jacques Rouché, commande un livret à l’écrivaine Colette, qui l’élabore en 1916. Ravel est rapidement pressenti pour écrire la musique, mais il se montre – dans un premier temps – peu enthousiaste pour ce projet alors intitulé Ballet pour ma fille. Après de nombreux échanges entre Colette et Ravel, le projet prend forme peu à peu, avançant toutefois très lentement. Ce n’est véritablement qu’en 1924 que Ravel se plonge dans la composition de l’œuvre, ne terminant l’écriture que cinq jours avant la création. Celle-ci n’aura pas lieu à l’Opéra de Paris comme initialement prévu (les tergiversations de Ravel ont-elles eu raison de la patience du directeur ?), mais à Monte-Carlo, où L’Enfant et les sortilèges reçoit un accueil très enthousiaste. L’œuvre est reprise l’année suivante à l’Opéra Comique à Paris.
Résumé de l’histoire
Partie 1 : dans la maison
Alors qu’il ne veut pas faire ses devoirs, l’Enfant tire la langue à Maman, qui le punit. Rageur, l’Enfant passe sa colère sur les animaux et les objets autour de lui… mais ils prennent vie et décident de se révolter contre l’Enfant méchant. Commence alors le ballet de sortilèges imaginé par Colette : le Fauteuil, le Canapé et la Bergère se dérobent ; l’Horloge, dont le balancier est cassé, pleure son désespoir ; la Théière et la Tasse dansent un ragtime ; le Feu de la cheminée le menace ; le Pâtre et la Pastourelle de la tenture déchirée se plaignent de leur sort ; une Princesse d’un conte et un Vieillard d’un livre d’arithmétique lui exposent leurs problèmes ; un « Duo miaulé » de Chats ne le laisse pas dormir.
Partie 2 : dans le jardin
La Libellule, le Rossignol, les Rainettes (représentées par des onomatopées), la Chouette, la Chauve-souris, les Arbres , etc., se plaignent tour à tour du comportement de l’Enfant, avant de se réunir en chœur pour décider de le punir. Dans la bagarre, l’Écureuil est blessé et l’Enfant le soigne. Émus par ce beau geste, arbres et animaux appellent Maman et accompagnent l’Enfant jusqu’à la maison.
Les personnages et leur voix
L’Enfant, mezzo-soprano
Maman, contralto
La Bergère, soprano
La Tasse chinoise, mezzo-contralto
Le Feu, soprano léger
La Princesse, soprano léger
La Chatte, mezzo-soprano
La Libellule, mezzo-soprano
Le Rossignol, soprano léger
La Chauve-Souris, soprano
La Chouette, soprano
L’Écureuil, mezzo-soprano
Une Pastourelle, soprano
Un Pâtre, contralto
Le Fauteuil, basse chantante
L’Horloge comtoise, baryton
La Théière, ténor
Le Petit Vieillard, ténor léger
Le Chat, baryton
L’Arbre, basse
La Rainette, ténor
Le Banc, le Canapé, le Pouf, la Chaise de paille, chœur d’enfants
Les Chiffres, chœur d’enfants
Les Pastoures, les Pâtres, chœur
Les Rainettes, les Bêtes, les Arbres, chœur
Une fantaisie lyrique avec le sourire
Ravel déclara en 1925 : La partition de L’Enfant et les Sortilèges est un mélange très fondu de tous les styles de toutes les époques, de Bach jusqu’à... Ravel.... ! Cela va de l’opéra à l’opérette américaine, en passant par le jazz-band !
En effet, la partition apparaît comme une sorte de florilège de pastiches, permettant à Ravel de prendre ses distances avec la tradition, sans totalement s’en détourner. Voici quelques-uns de ces pastiches :
- Menuet (danse à trois temps devenue majestueuse) du XVIIe siècle dans la scène du Fauteuil.
- Ragtime de la Théière et la Tasse, sur une parodie « orientale » utilisant un mode pentatonique (de cinq sons). Ravel montre ici sur goût pour le jazz nouvellement arrivé en Europe, ainsi que pour l’exotisme.
- Un air à vocalises pour le Feu, dans la tradition du bel canto.
- Pastiche d’une chanson de la Renaissance avec le Pâtre et la Pastourelle : ostinato rythmique, bourdon.
- Parodie d’écriture à la manière de Massenet ou Puccini avec l’intervention de la Princesse : épanchement lyrique mettant en valeur la voix, réalisme dans l’expression des émotions, orchestration contrastée (allant de l’instrument seul au tutti d’orchestre).
- Autocitation de La Valse dans la Danse des rainettes.
- Fugue à la fin de l’œuvre : cet alliage complexe de lignes mélodiques symbolise la réconciliation de tous les personnages tout en rendant hommage à la grande tradition d’écriture occidentale, Johann Sebastian Bach en tête.
Auteur : Antoine Mignon