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Le piano à l’époque de Beethoven
Le piano-forte, un tout jeune instrument
Beethoven a vingt-cinq ans lorsqu’il commence à composer pour le piano-forte. Ce jeune instrument, inventé par le facteur italien Bartolomeo Cristofori, est en passe de détrôner les autres instruments à clavier : le clavecin avec ses cordes pincées, et le clavicorde aux cordes frappées, son ancêtre direct. Qu’a-t-il de si novateur ? On le reconnaît par la forme de sa caisse en aile d’oiseau et, techniquement, il permet de jouer dans une nuance pianodouce comme fortefort. Doté de soixante-dix-huit touches au début, il s’enrichira dans les graves et dans les aigus, pour atteindre les quatre-vingt-huit notes des instruments actuels. La personnalité créatrice fougueuse de Beethoven va s’épanouir à travers les transformations de ce nouvel instrument.
Le piano devient l’instrument de prédilection des romantiques : il leur permet d’exprimer leurs sentiments et de transmettre des émotions. Beethoven lui confie les nuances les plus fines, mais aussi des ruptures dynamiques brutales. Il exploite ses ressources dynamiques, utilise de nombreux accents et des signes variés qui rendent sa musique vivante, animée. Par ailleurs, il demande à l’interprète de parcourir tout le clavier, de jouer de nombreux accords, de mélanger les voix… Les limites de l’instrument sont dépassées, c’est quasiment la sonorité d’un orchestre qui s’offre à l’auditeur. À travers les trente-deux sonates composées tout au long de sa vie, on peut suivre l’évolution de son style. L’instrument est aussi très présent dans de nombreuses pages de musique de chambre de la musique écrite pour un nombre restreint d’instruments : duo, trio, etc.. Enfin, Beethoven dédie au piano cinq concertos.
Beethoven et le piano
Ce genre musical, qui fait dialoguer un soliste et un orchestre, connaît une standardisation à l’époque classique la seconde moitié du XVIIIe siècle avec Haydn et Mozart, adoptant une forme en trois parties de tempos et de caractères opposés. Beethoven, à l’aube du romantisme, en reste proche tout en apportant sa touche personnelle : un orchestre plus étoffé, la partie destinée au piano qui s’adapte aux améliorations de la facture de l’instrument (notamment l’usage de la pédale qui permet de tenir les sons), l’exploitation de la totalité du clavier... Ses cinq concertos sont marqués par l’évolution de l’esthétique romantique. Du Concerto n° 1 proche de l’esprit rationnel et équilibré de ses prédécesseurs au Concerto n° 5, surnommé « L’Empereur », chacun possède son identité. Quinze ans les séparent. Au fil du temps, le discours courtois s’efface au profit de la notion de héros, soliste qui bataille contre l’orchestre et doit montrer sa supériorité, une métaphore de l’artiste solitaire face au monde.
Auteure : Sylvia Avrand-Margot