Qu’ils soient qualifiés de pianos « en vis-à-vis », « double », « grand double », « en regard », « à claviers opposés » ou « double de concerts », les instruments possédant deux claviers se faisant face traduisent une attention portée au répertoire de duos et la volonté d’en faciliter l’exécution – en particulier par l’homogénéisation du timbre.
Construits dans une même caisse et pour une seule table d’harmonie, les instruments à deux claviers sont à certains égards les héritiers de spécimens plus anciens encore, construits par des facteurs flamands au début du XVIIe siècle. Ces derniers lièrent clavecin et virginale dans un même corps mais les instruments qu’ils créèrent, tels les les virginales à deux claviers moeder en kind (mère et enfant) ne rendaient pas possible le vis-à-vis. Ils permettaient en revanche d’associer des timbres et des étendues différentes.
Les facteurs qui s’attachèrent à ce type d’instruments au cours des décennies suivantes sont notamment Johann Andreas Stein (1728-1792), à qui l'ont doit vraisemblablement cette appellation « vis-à-vis », Sébastien Erard (1811), et Gustave Lyon, directeur de la firme en 1928, lorsque ce piano sort des ateliers.
Remettant au goût du jour une tradition ancienne d’instruments à deux claviers, Lyon s’était engagé au tournant du siècle précédent dans un type de fabrication qu’il était pratiquement le seul à mettre en oeuvre. Il produisit donc ces pianos en nombre restreint.
La proximité permise par cet instrument s’accompagne d’une liaison mécanique. Cette particularité agit d’un clavier sur l’autre par l’effet d’une tirasse accouplant les jeux d’étouffoirs. Ainsi, les effets de sympathie s’accentuent et créent des résonnances que deux pianos séparés ne pourraient avoir. La table unique permet en effet une grande fusion harmonique entre le jeu des deux pianistes. En revanche, la tension extrême qui résulte du montage de deux plans de cordes sur un seul cadre fragilise l’instrument.