Baptiste Trotignon (1974-)
En quelques années, tout est allé très vite pour Baptiste Trotignon, qui s’est affirmé comme l’un des pianistes les plus brillants à émerger en France depuis la disparition de Michel Petrucciani. Sans être aussi intense que celle d’un virtuose destiné à devenir concertiste, sa formation classique auprès de différents professeurs lui a permis de se forger une technique et une aisance qui autorisent les échappées folles et les tracés clairs qu’il affectionne.
Une génération émergente
Né le 17 juin 1974, c’est à Nantes, où il est élève au Conservatoire, que Baptiste Trotignon connaît ses premières expériences du jazz avec Geoffroy Tamisier et Alban Darche, qui évoluent aujourd’hui dans une sphère différente. À vingt ans, il tient dans le film d’Alain Corneau, Le Nouveau Monde, en 1994, le rôle d’un jeune pianiste qui rêve au jazz au contact des musiciens stationnés dans les bases américaines après-guerre. Un an plus tard, il s’installe à Paris où il intègre la classe de jazz du Conservatoire supérieur national. À cet enseignement, cependant, il préfère, au bout de quelques mois, l’expérience des jam sessions et le contact de musiciens de son âge qui ont fait du club Le Petit Opportun leur lieu de rendez-vous. Membre du collectif des « Nuits blanches », il côtoie une génération émergeante qui se forme dans une émulation réciproque avec pour modèles les grands jazzmen des années 1960 : Olivier Temime, Alex Tassel, Vincent Artaud, Pierrick Pedron, etc., sont quelques-uns des compagnons avec lesquels il aiguise sa pratique du jazz. Avide d’expérience, il s’engage dans des collaborations éphémères ou durables, assumant la position de sideman sans complexe. On l’entend, entre autres, en trio avec Eric Le Lann, avec Sylvain Beuf, dans Moutin Reunion, derrière la chanteuse Claudia Solal et même à l’orgue dans la Cricca d’Umberto Pagnini.
En solo ou avec différentes formations
En 1998, Baptiste Trotignon met un terme à nombre de collaborations pour se focaliser sur le trio qu’il a décidé de créer avec le contrebassiste Clovis Nicolas et le batteur Tony Rabeson. Après un premier album, le bien nommé Fluide (2000), qui tient toutes ses promesses, il s’affirme comme un pianiste remarquable par sa maîtrise spectaculaire et par la sophistication harmonique de son approche de l’improvisation, en héritier doué de Herbie Hancock et Martial Solal. L’album suivant, Sightseeing (2001), réalisé avec le même trio, récolte tous les éloges. Baptiste Trotignon brille par son lyrisme maîtrisé, sa réactivité complice au jeu triangulaire, sa virtuosité éclairée. Sans en révolutionner les codes, le pianiste porte le jeu en trio à un haut degré d’approfondissement et de spontanéité. Il séduit le jury du concours Martial-Solal organisé par la Ville de Paris qui lui décerne en 2002 son grand prix, une distinction qui vient couronner une reconnaissance unanime de son talent.
En 2003, la parution de l’album Solo, constitué d’un répertoire entièrement original, est suivie d’une série de récitals en solitaire. Baptiste Trotignon y dévoile une approche plus intimiste de l’improvisation, qui voit ressurgir sa culture pianistique classique et met en évidence son attachement à la mélodie. Il ressort de cette expérience introspective avec un jeu toujours plus affirmé et forme en 2004 un quartet international avec le saxophoniste ténor David El-Malek qui s’impose avec autorité dès ses premières apparitions.
Auteur : Vincent Bessières
(mise à jour : juillet 2005)