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Orphée et Eurydice Christoph Willibald Gluck
Carte d’identité de l’œuvre : Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck |
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Genre | opéra : tragédie opéra |
Version italienne (Orfeo ed Euridice) | |
Librettiste | Ranieri de’ Calzabigi |
Langue du livret | italien |
Composition | en 1762 à Vienne |
Création | le 5 octobre 1762 au Burgtheater de Vienne |
Forme | opéra en trois actes |
Instrumentation | bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 1 chalumeau, 2 bassons cuivres : 2 cors, 2 cornets, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales cordes pincées : 1 clavecin et 1 harpe cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Version française | |
Librettiste | livret traduit de l’italien et augmenté par Pierre-Louis Moline |
Langue du livret | français |
Composition | en 1774 à Paris |
Création | le 2 août 1774 au Théâtre du Palais Royal à Paris |
Forme | opéra en trois actes |
Instrumentation | bois : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones percussions : timbales cordes pincées : 1 harpe cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Un opéra révolutionnaire
Gluck compose en 1762 la première version, en italien, de son opéra : Orfeo ed Euridice. C’est alors un compositeur déjà reconnu. Orfeo est son trentième opéra, mais le premier d’un nouveau genre. En s’associant au dramaturge CalzabigiRanieri de’ Calzabigi, homme de lettres et librettiste italien, 1714-1795, il apporte à l’opéra une plus grande simplicité et un lien plus naturel avec le texte, afin que la musique soit au service de la poésie et non plus de la pure virtuosité vocale. Il évoque cette réforme de l’opéra en ces termesdans l’épître dédicatoire d’Alceste à l’archiduc Léopold en 1767 : Je me suis efforcé de limiter la musique à sa véritable fonction, qui est de servir la poésie avec expression, tout en suivant les étapes de l’intrigue, sans pour autant interrompre l’action et en évitant de l’étouffer par quantité d’ornements superflus.
Différentes versions
L’opéra conquiert progressivement l’Europe, sous deux versions différentes : l’originale pour castrat altohomme chantant dans la même tessiture qu’une voix féminine grave dans le rôle d’Orphée, mais aussi une version pour castrat sopranohomme chantant dans la même tessiture qu’une voix féminine aiguë. Invité à Paris en 1774 par la reine Marie-Antoinette, Gluck revisite son opéra pour l’adapter au goût français. Le livrettexte de l’opéra est revu. Le rôle titre est confié à un ténorvoix aiguë d’homme. Les trois rôles (Orphée, Eurydice, Amour) ainsi que des passages instrumentaux sont modifiésUn air est ajouté à celui d’Orphée, les deux autres rôles sont étoffés.. Son opéra et sa vision novatrice remportent un très grand succès mais déclenchent aussi une querelle artistiqueentre « gluckistes », les défenseurs de cette réforme, et « piccinnistes », les défenseurs de l’opéra italien. Au siècle suivant, Berlioz revisitera l’opéra pour adapter cette fois le rôle d’Orphée à une voix de mezzo-sopranovoix medium de femme.
L’argument
Orphée, accablé par la mort de sa jeune épouse Eurydice, chante son infinie tristesse. Sa musique touche Hadès, le dieu des enfers, qui l’autorise à ramener Eurydice dans le monde des vivants. Orphée doit pour cela attendrir les gardiens des portes de l’enfer par sa musique. Sur le chemin du retour, il lui est interdit de se retourner pour regarder son épouse. Mais, presque arrivé, il ne peut s’empêcher de regarder derrière lui et Eurydice meurt à nouveau. Gluck et son librettiste choisissent une fin heureuse pour conclure leur opéra : Amour, touché par le malheur d’Orphée, vient redonner vie à Eurydice.
Focus sur la scène des enfers
Aux portes de l’enfer, les furies tentent de terroriser Orphée. Armé de sa seule lyre, Orphée les calme et les enchante en exprimant ses tourments et sa tendresse par le chant. C’est le début du deuxième acte, un des moments les plus intenses de l’opéra. Gluck fait tout d’abord appel à la vivacité des cordes pour une introduction instrumentale décrivant le ballet des furies : de rapides gammes montantes et descendantes, passant alternativement des violons aux basses, instaurent un dialogue entre les instruments.
Un imposant chœur à quatre voix enchaîne sur un rythme commun à toutes les voix (homorythmie), à la manière d’un choral religieux mais ici infernal. Les paroles scandées en français sont : Quel est l’audacieux, qui dans ces sombres lieux, ose porter le pas, et devant le trépas, ne frémit pas ? Que la peur, la terreur, s’emparent de son cœur à l’affreux hurlement du Cerbère écumant et rugissant !
Ballet, chœur et airs d’Orphée alternent, figurant un affrontement. Les interventions d’Orphée contrastent par leur douceur et leur charme. La harpe s’ajoute et les cordes laissent leurs archets pour jouer en pizzicatoLes instrumentistes pincent les cordes, comme à la guitare. et imiter ainsi la lyre d’Orphée.
Enfin, les furies apaisées laissent passer Orphée. Mais dès sa disparition, elles retrouvent toute leur frénésie dans un dernier ballet instrumental. Celui-ci reprend certains éléments de l’introduction : de nombreux traits virtuoses aux cordes (gammes montantes et descendantes, trémolos, motifs tournoyants en doubles croches…) figurent la danse tourbillonnante des ombres infernales.
Des contrastes dynamiques et de violents accords tuttic'est-à-dire avec tout l’orchestre, entrecoupant les motifs virevoltants des cordes, rappellent la puissance des enfers.
Auteure : Aurélie Loyer