Médiathèque / Exposition Violons Vuillaume à la Philharmonie de Paris
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Expositions temporaires du musée de la musique
Violons, Vuillaume Un maître luthier français du XIXe siècle, 1798-1875
Exposition du 23 octobre 1998 au 31 janvier 1999, Cité de la musique, Paris
Introduction
Le Musée de la musique a voulu mettre le violon à l’honneur et consacrer, après sa réouverture en 1997, la première exposition temporaire à Jean-Baptiste Vuillaume, grand luthier français emblématique de l’esprit d’invention et d’entreprise du XIXe siècle. En effet, Jean-Baptiste Vuillaume est à la fois un inventeur de nouvelles formes, le continuateur des grands luthiers du passé comme Amati, Stradivari ou Guarneri del Gesù, le collaborateur de Paganini, un luthier habile et un marchand-artisan, homme d’affaires reconnu dans l’Europe toute entière.
Evoquant les concerts organisés dans les salons de musique parisiens, cette exposition est également l’occasion de jeter un regard neuf sur les rapports entre tradition et invention, entre art, artisanat et technique de jeu et aussi, bien sûr, de regarder et d’écouter des instruments uniques réunis pour la première fois.
La trajectoire de Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875) tient du roman d’apprentissage, mais aussi du roman balzacien : splendeur - sans décadence - d’un luthier parisien.
Né à Mirecourt dans les Vosges où sa famille travaille dans la lutherie depuis le XVIIe siècle, il quitte sa ville natale en 1818 avec trois écus d’or en poche (il les conservera religieusement jusqu’à la fin de sa vie). Le jeune apprenti connaît en quelques années une ascension sociale et professionnelle foudroyante : couvert de récompenses dans les concours, comptant parmi ses clients les plus célèbres musiciens et collectionneurs de son temps, mariant sa fille à l’illustre violoniste Delphin Alard, telle est la destinée d’un luthier d’exception, tout à la fois inventeur, copiste et entrepreneur.
Passionné par l’histoire et par les travaux de ses grands prédécesseurs, Vuillaume est doté d’un sens aigu de l’observation et de l’imitation et étudie chaque détail (dessin, bois, forme, vernis) de leurs instruments.
Sa plus grande satisfaction est sans doute d’avoir récupéré, dans les années 1850, la somptueuse collection de violons anciens du marchand italien Luigi Tarisio. Sa passion dévorante pour les instruments prestigieux de Stradivari, Guarneri ou Maggini, l’entraîne, à plusieurs reprises, sur les routes d’Europe pour acheter des pièces originales, mais aussi pour se procurer des bois précieux.
En effet, Vuillaume demeure un copiste hors pair, cherchant à percer les secrets des luthiers italiens de l’époque baroque et s’en approchant au point de s’y brûler. Ne l’accuse- t-on pas, après sa mort, d’avoir été un faussaire et, en particulier, d’avoir fait passer le mythique Messie de Stradivari, acheté aux héritiers de Tarisio, pour l’un de ses violons ?
Son enthousiasme pour les maîtres crémonais le pousse à rechercher dans les archives les traces de son prédécesseur et modèle absolu - Antonio Stradivari (1644-1737) - et à confier ses résultats au célèbre historien de la musique François-Joseph Fétis pour qu’il en fasse un livre à la gloire de la lutherie italienne. C’est aussi Vuillaume qui commande au peintre Jean-Edouard Hamman une série de tableaux destinés à immortaliser ses modèles, comme Stradivari et Guarneri.
Découverte fortuitement en septembre 1977, la tombe du marquis Yi de Zeng inhumé en 433 av. J.-C., à Leigudun, près de Suixian - actuelle Suizhou -, au nord du Hubei, répond vraisemblablement par le choix du site, son mode de construction, et son agencement, à des règles précises.
Au soir de sa vie, Vuillaume confie : La lutherie est une toute petite affaire quand on ne fait que travailler. Il faut donc ajouter le commerce au travail. C’est ce que j’ai fait et m’en suis bien trouvé.
Sa correspondance avec son frère Nicolas François (1802-1878), luthier lui aussi, établi à Bruxelles, témoigne de ses talents d’homme d’affaires, mêlant une passion réelle pour les beaux instruments et d’intenses spéculations sur les violons italiens (un tiers de la production de Stradivari serait passé, dit-on, par son atelier).
Entre 1834 et 1839, il embauche huit ouvriers (quatre luthiers, quatre archetiers) et produit ainsi 150 instruments et 600 archets par an. En 1841, Jean-Baptiste Vuillaume est à la tête d’une entreprise dynamique et prospère qui comprend plusieurs ateliers.
Vuillaume sait aussi briller aux Expositions des Produits de l’Industrie d’abord, puis aux Expositions Universelles de Londres et Paris en 1851 et 1855. Il le doit en grande partie aux qualités du personnel dont il s’est entouré (Télesphore Barbé et Joseph Louis Germain pour les violons, Dominique Peccatte et François Nicolas Voirin pour les archets), mais surtout à une activité débordante qui le conduira à promouvoir la série des Sainte-Cécile, des instruments qu’il fait fabriquer à Mirecourt et qu’il revend ensuite à bas prix à Paris. Il crée, du même coup, un des premiers réseaux nationaux de production qui lui permettra de proposer de bons violons d’étude aux classes moyennes.
Figure centrale de la facture instrumentale française du siècle dernier, surnommé la « baleine de la lutherie » par le grand violoncelliste Servais, la personnalité de Jean-Baptiste Vuillaume nous invite à plonger au cours d’une époque où la pratique musicale connaît un développement sans précédent (amateurs toujours plus nombreux, instruments fabriqués en quantités toujours plus importantes). C’est donc à un voyage à travers l’ébullition d’un XIXe siècle tiraillé entre sa fascination pour le passé et son désir insatiable de progrès, que nous convie l’exposition du Musée de la musique, mais aussi à comprendre ce qui a fait des violons de Jean-Baptiste Vuillaume les premiers de leur temps.
Cette « œuvre pieuse », imprimée aux frais du luthier, paraît en 1856. Quelques années plus tard, Vuillaume demande au peintre Jean-Edouard Hamman une reproduction de son célèbre tableau représentant Stradivari.
Mais l’enthousiasme de Vuillaume pour le luthier crémonais s’exprime surtout par la collection, la revente et la copie de ses violons. En effet, un grand nombre d’instruments de Stradivari passent par son atelier, comme le violoncelle de 1701 qu’il revend en 1864 au virtuose Adrien-François Servais, qui lui donnera son nom.
Fasciné par son illustre modèle, Vuillaume en réalisera d’innombrables copies tout au long de sa carrière et cherchera sans relâche à percer le secret du vernis du luthier, contactant même l’un de ses descendants pour lui soutirer d’hypothétiques renseignements.
D’ailleurs, Vuillaume entretient lui-même ce mythe. Ainsi, quand il acquiert Le Messie (1716), qui servira par la suite de modèle à la plupart des copies de Stradivari faites dans la dernière partie de sa carrière, il cache longtemps ce violon extraordinaire, ne le montrant après un étrange cérémonial qu’à quelques rares privilégiés.
Comme en témoigne sa commande de 1863 au peintre Jean-Edouard Hamman d’un dyptique représentant les deux luthiers italiens, mais surtout les nombreux instruments de Guarneri qu’il acquiert au fil des ans, Giuseppe Guarneri dit del Gesù (1695-1762) est certainement le maître le plus vénéré par Vuillaume après Stradivari.
La plus célèbre de ces acquisitions, un violon de 1742 (aujourd’hui au Musée de la musique) qui prend le nom de son dernier propriétaire (le virtuose Delphin Alard) est acheté par Vuillaume en 1853.
C’est à cette époque que l’attention du luthier se concentre sur les modèles anciens. Pendant plusieurs années, le Guarneri de Niccolo Paganini, dit Le Cannone par le marchand italien Luigi Tarisio (1790-1854) en raison de sa puissance sonore, est l’une des principales sources d’inspiration de Vuillaume. Le luthier copie par ailleurs une dizaine d’autres modèles Guarneri, comme pour la plupart de ses violons Stentor, instruments d’étude fabriqués à Mirecourt par l’un de ses frères, puis par son neveu Sébastien.
C’est à la qualité exceptionnelle de ses reproductions d’instruments de Stradivari et de Guarneri que Vuillaume doit ses nombreuses récompenses aux Expositions industrielles et universelles, ainsi qu’une grande part de sa renommée après sa mort.
Les amateurs issus des milieux aristocratiques, sur lesquels reposaient les sociétés de musique de chambre, sont évincés dans le courant du XIXe siècle par des musiciens professionnels, adeptes d’une pratique plus spectaculaire. Le quatuor émigre alors des salons vers les salles de concert.
En France, le principal acteur de cet « anoblissement » est le violoniste Pierre Baillot (1771-1842) qui, pendant les 154 séances données entre 1814 et 1840, a pour ambition d’offrir à un public payant une « galerie musicale de chefs-d’œuvre ». De nombreux autres artistes se lancent dans la carrière, tel Delphin Alard (1815-1888), le gendre de Vuillaume, qui fonde en 1838 une société qui vivra plus de 20 ans, se présentant comme la continuation de l’entreprise de Baillot.
Outre la pratique amateur qui se maintiendra encore quelques temps, des associations plus occasionnelles que les sociétés de musique de chambre officielles se constituent parfois, comme le trio formé en 1837 par Liszt, Urhan et Batta, pour jouer les sonates et les trios de Weber ou de Beethoven.
Si le panthéon viennois Haydn-Mozart-Beethoven forme le noyau du répertoire dès la seconde moitié du siècle, ses « dieux » ne sont pas équitablement représentés. Beethoven a certes toujours la préférence, même si ses derniers quatuors, réputés difficiles à jouer, suscitent parfois incompréhension et irritation. En revanche, la musique de ses prédécesseurs est soumise aux aléas de la mode. Alard, par exemple, n’aborde pas Haydn dans la première décennie d’existence de son quatuor, mais se spécialise après 1848 dans l’interprétation de son Opus 76 tandis que les Quintettes de Mozart ne quittent jamais les programmes de sa société.
Le poids des classiques viennois se fait aussi sentir sur les compositeurs modernes. Les deux chefs de file de l’école française, Georges Onslow puis son fils spirituel Adolphe Blanc, ne se détachent guère de leurs glorieux modèles. Et il faut attendre que l’idéal de la musique sérieuse soit ancré chez de jeunes compositeurs, comme Camille Saint-Saëns ou Edouard Lalo, et que le besoin d’une réaction nationaliste se fasse sentir pour que les vieux maîtres soient mis à distance, remplacés le plus souvent par Wagner et Schumann.
Crédits de l’exposition
Commissaires : Jeanne Villeneuve, conservateur, chargée de l’iconographie musicale du Musée de la musique, Cité de la musique ; Emmanuel Jaeger, violoniste et chef d’orchestre
Scénographie : Repérages architectes, assisté de Jean-Julien Simonot, scénographe
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Instrument du Musée de la musique
Octobasse Jean-Baptiste Vuillaume
Haut de presque trois mètres cinquante, cet instrument est la réalisation la plus spectaculaire de Jean-Baptiste Vuillaume.