Médiathèque / Exposition Un musée aux rayons X à la Philharmonie de Paris - Cité de la musique
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Expositions temporaires du musée de la musique
Un musée aux rayons X Dix ans de recherche au service de la musique
Exposition du 24 avril au 12 août 2001, Paris
Introduction
La richesse et la complexité liées à la nature même de l’instrument de musique, objet d’usage, objet d’art, ont heureusement conduit le musicien, l’historien, le facteur, le restaurateur et le scientifique à un dialogue constant.
Conservation préventive, études préalables, restauration, la science dispose de tous les outils nécessaires pour mener à bien les missions d’un musée : la sauvegarde et la présentation de ses collections.
Au travers des plus belles pièces acquises depuis dix ans, l’exposition Un musée aux rayons X nous aide à comprendre un travail essentiel mais rarement dévoilé, celui mené par les scientifiques et les restaurateurs autour des collections.
Le parcours, divisé en six espaces, alterne deux types de séquences. D’abord, les acquisitions faites rétrospectivement par le musée depuis dix ans, puis, six espaces thématiques présentant des instruments en situation d’étude ou de restauration, accompagnés d’animations informatiques et interactives, de dispositifs expérimentaux, de films ou de photographies qui permettent d’appréhender très concrètement les thèmes de l’exposition.
Une série de vitrines présentent une centaine d’acquisitions allant du XVIIe siècle à nos jours, notamment des instruments savants extrêmement prestigieux du XVIIe siècle comme un clavecin anonyme superbement décoré, une rarissime flûte traversière de Jacques Hotteterre le romain, un pardessus de viole et une guitare de Jean-Baptiste Voboam, un ensemble d’archets provenant de la collection de Bruno Kern, des accordéons romantiques (ancienne collection Pierre Monichon), ainsi que des instruments emblématiques du XXe siècle (guitares électriques, synthéthiseurs Moog, etc.).
Les instruments du XVIIe siècle ayant eu la chance de traverser l’épreuve du temps sont rares, sans compter qu’une partie d’entre eux a subi des modifications : élargissement des manches des luths, allongement et renversement des manches des violons, perfectionnement des mécaniques des clavecins...
La collection du musée a pu s’enrichir de pièces du XVIIIe siècle grâce, en particulier, à l’acquisition d’instruments fabriqués par le célèbre luthier François-Xavier Tourte (notamment des archets) ou de l’alto de Benoît Fleury, dont les seules altérations sont les traces d’usure de jeu repérables sur le vernis.
Le XIXe siècle sonne l’heure de la rencontre entre l’industrie et la facture instrumentale. Les progrès scientifiques et techniques, la multiplication des expositions universelles, le dépôt des brevets alliés à la créativité des inventeurs donnent naissance à une grande diversité d’instruments, diversité pas toujours évidente à gérer pour le musée.
À la recherche de nouveaux langages, les compositeurs de la première moitié du XXe siècle puisent à des sources d’inspiration variées et renouvellent considérablement le paysage instrumental hérité du siècle précédent. Les musiques « exotiques » ou populaires, propulsées par les nouvelles techniques d’enregistrement, ouvrent de nouveaux horizons à la musique savante. Aux nouvelles modes, telles celles du jazz ou du tango correspond la popularité croissante de certains instruments, comme le saxophone ou l’accordéon. La redécouverte de la musique ancienne suscite assez d’intérêt pour que les grandes marques de piano initient une production de clavecins modernes.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’avènement de l’électricité, et de son instrument emblématique, la guitare, provoque une rupture.
Par ailleurs l’électroacoustique et l’électronique ouvrent de nouvelles voies à la création, ce qui ne va pas sans soulever des difficultés considérables pour le musée. Comment en effet conserver l’immatériel à l’heure où l’on ne peut plus guère parler d’instruments de musique mais plutôt de dispositifs producteurs de son ? Comment garder la mémoire d’expériences de modélisation uniques ?
Enfin, le musée élargit l’éventail typologique des instruments présentés en offrant au public d’autres clés d’accès à des cultures qui nous sont parfois très peu familières. La collection se constitue autour d’instruments précieux d’Inde, d’Asie du Sud Est, d’Afrique et du Japon. Le musée s’attache également à recueillir des instruments dont l’existence est menacée par une pratique instrumentale en déclin, ou des instruments de facture plus modeste mais témoignant au contraire de pratiques traditionnelles toujours vivaces telles les trois rares flûtes en écorce provenant du Cameroun.
Cet espace est consacré aux regards portés sur l’instrument par le scientifique : analyse par ultraviolets et rayons X, identification, mesures et réalisation de dessins techniques (manuels et informatiques). Le public peut mener lui-même une observation endoscopique et ainsi faire pénétrer une mini-caméra dans les recoins invisibles d’un instrument des collections. Une simulation en images de synthèse montre également comment se déroulent les différentes phases de ces observations.
Les principales méthodes d’observation et de relevé sont :
La dendrochronologie : fondée sur une lecture comparative des cernes d’accroissement du bois, elle permet de dater précisément le bois utilisé dans certaines parties des instruments.
L’examen en lumière ultraviolette permet de faire apparaître des éléments invisible en lumière naturelle, par exemple : les fragments manuscrits au fond d’une vihuela de tradition ibérique.
En radiographie, les rayons X traversent la matière et révèle la structure interne des objets ainsi que d’éventuels dégâts.
Le microscope électronique à balayage (MEB) : un pinceau d’électrons balaie l’échantillon et permet d’obtenir une image très précise de la structure des matériaux
Enfin, la documentation des instruments les plus intéressants est approfondie par la production d’un dessin technique fait manuellement ou par photogrammétrie, procédé basé sur la photographie, permettant de restituer un tracé de l’instrument dans ses plus petits détails et avec une très haute précision.
Cet espace concerne l’étude et la restauration des décors peints notamment grâce à une expérience d’analyse chimique par fluorescence X ; la réversibilité de toute restauration est au centre des préoccupations des restaurateurs.
La valeur d’un bon nombre d’instruments est souvent liée à la qualité de leurs décors. Certains sont de véritables chefs-d’œuvre qui n’échappent cependant pas aux dégradations dont il convient d’abord de stopper le processus (stabilisation). On emploie pour les restaurer, les mêmes techniques que pour les tableaux :
Pour stopper un décollement de peinture : on pose une protection provisoire en papier très fin ou facing. Elle empêche que la peinture ne se retire tout à fait. On procède ensuite au refixage de la peinture.
Pour rendre son homogénéité à un décor partiellement détruit : on peut procéder en « trompe l’œil » en imitant le décor d’origine : le décor en ébène et ivoire d’une guitare est restauré à l’aquarelle (lisibilité).
Sur un clavecin français du XVIIe siècle, les décors sur parchemin ont été refixés par endroit. Les pertes de matière ont été comblées avec de la pâte à papier et le décor rectifié à l’aquarelle.
Pour faire apparaître un décor masqué par un vernis vieilli et devenu opaque, on procède à sa régénération en le diluant légèrement, le vernis redevient transparent et homogène, le décor réapparaît clairement.
Cet espace est consacré à la restauration et la conservation des cuivres (trompettes, trombones, cornets, etc..). Le public peut y découvrir un instrument en cours de nettoyage par traitement électrolytique (méthode mise au point par les laboratoires d’Électricité de France dans le cadre d’un mécénat technologique et scientifique) ainsi que les vitrines à atmosphère contrôlée qui offrent l’avantage de freiner presque totalement l’action des produits corrosifs sur les instruments.
Les instruments argentés se corrodent au contact de l’air offrant au regard un aspect noirci que ne convient pas à leur exposition. Le soufre présent dans l’air (gaz d’échappement, rejets industriels) est le facteur principal de cette corrosion. Pour pallier ce problème, le laboratoire Valectra (EDF) et le Musée de la musique proposent plusieurs solutions de conservation :
Le traitement curatif par électrolyse : l’instrument est plongé dans une solution liquide avec deux électrodes. Lorsque le courant passe dans ce bain, une réaction se produit et élimine la trace de corrosion en réduisant les sulfures.
Le contrôle prédictif des vitrines : des plaquettes de laiton argenté sont placées dans les vitrines. Elles font office de témoin de corrosion. Régulièrement vérifiées pour expertise, elles permettent d’anticiper les risques d’altération de la surface argentée.
Le traitement prédictif : cette méthode est actuellement expérimentée dans des vitrines test. Elle consiste à attirer le soufre dans un filtre en laine d’argent. Le soufre se dépose principalement sur le filtre mais aussi sur les instruments. Un ventilateur placé derrière ce filtre accélère le processus.
Cet espace s’inspire des difficultés que rencontrent les chercheurs pour conserver certains matériaux du XXe siècle dont la conservation à long terme soulève de nouvelles questions parfois sans réponses.
Économiques et polymorphes, les matériaux synthétiques se prêtent à des usages multiples dans les domaines les plus variés y compris la facture instrumentale. Mais leur stabilité s’avère à l’usage très relative. Leur dégradation peut devenir dangereuse et dans certains cas explosive. Le musée est alors confronté à un paradoxe : les instruments les plus récents peuvent s’avérer les plus difficiles à conserver.
Le nitrate de cellulose est un plastique à base de fibres de cellulose et d’acide nitrique. Il est utilisé dès les années 1870 dans la facture instrumentale. Il se révèle d’une grande instabilité en vieillissant. La forme utilisée dans la facture instrumentale reste très inflammable même si le risque d’autocombustion peut être écarté. Aucune solution satisfaisante n’a été trouvée pour conserver les instruments contenant du nitrate de cellulose. On ne sait à l’heure actuelle que ralentir ce processus irrémédiable.
D’autres matériaux modernes sont plus difficilement identifiables. La nature des décors des accordéons présentés ici restait mystérieuse. Une étude physico-chimique réalisée au laboratoire du musée a révélé qu’il s’agissait tout simplement de colles organiques...
Des recherches sur l’acoustique des instruments sont menées au Laboratoire du Musée de la musique. Trois ateliers de démonstration sont présentés : un atelier d’expérimentation acoustique (découverte des principes de production des sons, leur amplification, analyse spectrale par ordinateur), un atelier reprenant l’expérience de l’acousticien Chladni qui, en 1802, a réussi, en déposant de la poudre sur une plaque, à déterminer comment elle s’organise en « ventres » et en « nœuds » lorsqu’elle est mise en vibration ; un troisième atelier traitant des modalités d’injection de l’air pour les instruments à vent (notamment par une « bouche artificielle »). Cet espace s’attache à montrer les apports de l’informatique dans l’étude et le jeu des instruments anciens, en particulier, observer les vibrations sur une table d’harmonie ou représenter un son graphiquement.
Les progrès de l’acoustique permettent d’étudier conjointement les objets du musée ainsi que leurs sons.
L’analyse modale d’un violon observe les vibrations produites lorsque l’instrument émet un son. On peut alors mesurer les imperceptibles déformations de la table d’harmonie qui en découlent.
Le sonagramme décompose un son en ses différentes composantes. Sur le premier graphique on reporte les différentes fréquences du son alors que le deuxième graphique mesure son intensité dans le temps. La combinaison des deux graphiques donne une image de la structure de ce son. Ce sonagramme n’est vraiment fiable que si le son est produit et enregistré dans un environnement parfaitement neutre.
Depuis peu, le Musée de la musique est équipé d’une chambre sourde. Il est alors possible d’entendre l’instrument dans un espace parfaitement pur. Recouverts d’une mousse synthétique, les murs de la chambre facilitent l’absorption de toutes les pollutions sonores.
Comment écouter des instruments dont l’état ne permet plus d’en tirer aucun son ? Comment jouer régulièrement d’autres instruments trop fragiles pour supporter des heures de jeu ? Ces questions peuvent trouver réponse dans la réalisation de fac-similés.
Le fac-similé est la copie la plus fidèle qui soit d’un instrument des collections. Tous les matériaux sont identiques à ceux de l’original pour lequel le Musée de la musique utilise un matériau de substitution. Le facteur se fonde sur le dessin technique et sur toutes les analyses faites sur l’original pour créer l’instrument le plus fidèle possible et approcher l’ancien geste du facteur et le contexte musical passé.
Crédits de l’exposition
Commissaire : Frédéric Dassas, directeur du Musée de la musique, Cité de la musique ; Joël Dugot, conservateur au Musée de la musique, Cité de la musique ; Laurent Espié, responsable du laboratoire de recherche et de restauration du Musée de la musique, Cité de la musique
Scénographie : Étienne Dufaÿ
Parcours sonore : Luc Martinez
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