Médiathèque / Exposition Musique et Cinéma à la Philharmonie de Paris
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Expositions temporaires du musée de la musique
Musique et Cinéma
Exposition du 19 mars au 18 août 2013 - Musée de la musique, Paris
Introduction
Le couple musique-cinéma est devenu un couple célèbre, un couple à histoires, prompt aux querelles, voire aux projets de divorce, mais générateur aussi de quelques chefs-d’œuvres, lorsque l’entente, la compréhension, l’amour pour tout dire, unit ou confond les deux pensées créatrices. Georges Hacquard, 1959
« Musique et Cinéma » : deux mots à la puissance d’évocation irrésistible... Mais qu’est-ce qu’une bonne musique de film ? Doit-on l’entendre ou l’oublier ? De quelle façon sert-elle l’image ?
De Fantasia à Psychose, des comédies musicales aux westerns italiens, de la Nouvelle Vague aux documentaires rock, de l’accompagnement des films muets aux chansons écrites pour le cinéma et devenues des tubes... il existe autant de rencontres entre musique et cinéma qu’il existe de films.
L’exposition propose donc de raconter des histoires particulières, celles qui naissent de l’aventure de la création du film. Le parcours conduit les visiteurs à travers toutes les étapes de la réalisation : avant le tournage, pendant le tournage, en postproduction et après la sortie du film, pour comprendre de quelle façon la musique s’inscrit dans la conception et l’histoire de l’œuvre cinématographique. À chacune de ces étapes, la part belle est donnée à ceux qui rendent possible la magie de la rencontre entre les deux arts, à commencer bien sûr par les réalisateurs et les compositeurs. À l’étage inférieur, une projection de séquences mythiques permet de revivre en musique nos émotions de spectateur.
L’idée initiale d’un film peut être musicale, que l’on raconte la vie d’un musicien célèbre ou que l’on cherche à exploiter la popularité d’un morceau. Pour « embarquer » le public, le spectacle faire vivre des personnages sur une partition connue.
Tous les styles musicaux peuvent être concernés : savant ou populaire, classique ou contemporain, « world », jazz, pop, rock… Et la musique suggère des images à venir. C’est ce que faisaient les chorégraphes de ballet, les metteurs en scène d’opéra depuis longtemps déjà. Le cinéma offre, à une échelle jamais atteinte, la possibilité rêvée par Richard Wagner au XIXe siècle « d’art total » : l’ensemble d’un monde s’anime au rythme de la partition.
La musique peut également inspirer la création d’un cinéaste en phase de réflexion. Il l’écoute et s’en imprègne pendant l’écriture du scénario, avec l’idée que cette musique trouvera peut-être, plus tard, sa place dans la bande-son. La musique nourrit alors souterrainement l’élaboration d’un film.
La musique dicte sa loi
Dans des cas très particuliers, comme les films entièrement chantés ou entièrement dansés, la musique est ininterrompue pendant toute la projection. Elle doit donc être enregistrée intégralement avant le tournage : c’est la musique qui impose sa durée et son rythme à toutes les étapes ultérieures de la réalisation ! C’est le cas des films opéras ou des films ballets, mais aussi des adaptations de spectacles musicaux comme Evita, Le Fantôme de l’opéra ou Les Misérables, et du projet original des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, sur une musique de Michel Legrand.
La musique dans le scénario
Il arrive que la musique intervienne dans le récit, quel que soit le genre du film : policier, comique, western, film de guerre… Des personnages sont musiciens, des scènes se déroulent dans un décor « musical » : une soirée dansante, une boîte de nuit, une salle de concert.
Dans les films, il y a beaucoup plus de boîtes de nuit que « dans la vie », vous n’avez pas remarqué ? La musique est quelque part dans l’écran, pas nécessairement au premier plan, mais elle interagit avec les personnages qui l’entendent. Élément du décor et enjeu de la mise en scène, elle contribue alors à l’impact d’une séquence, voire modifie le cours de l’intrigue.
Avant l’arrivée du parlant, le silence n’existe pas au cinéma. Art forain à la fin du XIXe siècle, le cinématographe projette de courtes bandes, accompagnées par un bonimenteur, un pianiste et parfois un bruiteur.
Lorsque le cinéma s’industrialise, l’accompagnement musical direct par un soliste, un organiste ou un orchestre se généralise dans les salles. De simple fond sonore aux partitions associées à un film, la musique qui accompagne les projections signale une attention de plus en plus grande portée aux liens entre musique et images.
En 1927, avec Le Chanteur de jazz, la voie vers le parlant est ouverte, grâce à quelques mots prononcés et, surtout, plusieurs chansons interprétées par Al Jolson. La musique devra désormais trouver sa place entre les dialogues et les bruits. Pendant quelques années, la musique en fond sonore n’existe pas, sauf dans des scènes sans dialogues qui rappellent le cinéma muet.
Les acteurs et la musique
Le tournage n’est pas a priori l’étape du film où la musique est la plus présente. Mais c’est le lieu où se crée l’artifice, où se construisent les décors, et quand la musique joue un rôle dans l’histoire, c’est lors du tournage qu’on fabrique l’illusion.
Les personnages de musiciens sont nombreux au cinéma. Le metteur en scène engage parfois un musicien capable de jouer la comédie, mais préfère généralement un acteur capable de faire croire qu’il est musicien. S’il doit être chanteur mais n’a pas la voix adéquate, on peut le doubler. S’il doit savoir jouer d’un instrument, un entraînement intensif s’impose.
Que le comédien « triche » ou pas, peu importe : la musique grâce à lui doit s’incarner à l’écran. La musique filmée donne lieu à plusieurs possibilités techniques : le play-back, le son direct ou la post- synchronisation.
Pourquoi faire le choix d’une composition originale plutôt que d’une œuvre musicale existante ? Ce qui compte n’est pas tant la qualité propre de la musique que la façon dont elle se marie avec l’image. Si elle est déjà connue du spectateur, une musique préexistante peut donner un sens particulier aux images, en leur servant de référence (La chevauchée des Walkyries et la violence conquérante ) ou de contrepoint (Marie-Antoinette sur de la musique rock).
Le choix d’une musique préexistante peut aussi répondre à la volonté expresse du cinéaste, liée à ses goûts musicaux, à ses souvenirs, ou simplement à la crainte d’être confronté à un autre créateur : le compositeur de musique originale ! Le morceau préexistant, généralement arrangé pour le film et rarement utilisé dans son intégralité, redevient, à sa façon, une œuvre singulière.
Il est également fréquent de placer des musiques temporaires (temp tracks en anglais) pour donner une tonalité ou indiquer où se trouvera la musique avant que le compositeur n’entame son travail.
Le score original
Le terme de « score », emprunté à la langue anglaise, désigne la musique de film, traduit en français par « bande originale », même si la musique est préexistante. Généralement, le compositeur entre en scène une fois le montage - image terminé. On lui indique la liste des séquences musicales qu’il doit composer, avec leur durée exacte, calée à l’image. Le compositeur doit saisir ce que le réalisateur et le producteur attendent de son travail. Il doit savoir (ou pressentir) quel rôle sa partition va jouer dans le film.
Le pouvoir du score sur la perception d’une scène est à la fois immense et largement inconscient : la musique de film est faite pour être entendue, même si on ne l’écoute pas. Grâce à elle, l’image sort de son cadre : le spectateur croit voir ce qu’il entend. La musique peut accompagner et magnifier une action, mais aussi la contrarier volontairement, lui donner un sens inattendu, un rythme différent. Elle peut accentuer une émotion présente à l’image, ou en révéler une autre, sous-jacente. Elle peut aussi, paradoxalement, affaiblir l’impact d’une séquence.
Tandems Cinéastes-compositeurs
Dès les débuts du cinéma parlant, sauf à Hollywood où le producteur est tout puissant, les cinéastes n’hésitent pas à impliquer le compositeur en amont et à nouer des liens d’un film à l’autre.
Ce type de collaboration devient peu à peu la règle dans les années 1950 et 1960, quand se développe la notion d’auteur - réalisateur. Cette approche plus moderne est frappante en Italie, par exemple, avec les musiques de Nino Rota pour Fellini, de Giovanni Fusco pour Antonioni, puis d’Ennio Morricone pour Leone. Même à Hollywood, deux grands tandems naissent à cette époque : Alfred Hitchcock - Bernard Herrmann et Blake Edwards - Henry Mancini.
La « monogamie » fidèle n’est pas le seul mode de fonctionnement des compositeurs et des cinéastes, mais la liste est longue de ces duos créateurs qui rendent fécond le mariage du cinéma et de la musique. Ils témoignent d’une conscience aiguë que la musique mérite de s’intégrer profondément à la mise en scène. Idéalement, ces réussites sont forgées par des cinéastes qui comprennent la musique et des compositeurs qui connaissent le cinéma.
La musique au montage
Dans la plupart des films, la musique n’intervient que par intermittence, et le cinéaste doit « mettre en scène » ces interventions. Les procédés d’entrée ou de sortie de la musique sont plus ou moins subtils : l’entrée d’un personnage, la création d’une ambiance, un changement de plan... L’héritage hollywoodien a imposé l’utilisation d’une musique à la fois très présente et discrète, passant insensiblement du premier au second plan en fonction du récit.
Depuis, des cinéastes ont remis en cause cette « transparence » de la musique, imposant des apparitions brutales ou inattendues, qui paradoxalement la signalent à l’attention du spectateur. Quand le compositeur livre sa musique, elle est en principe parfaitement calée aux images : aujourd’hui, des maquettes musicales générées par ordinateur autorisent des ajustements avant l’enregistrement définitif.
Les thèmes signatures
Il est des musiques de films qui sont presque des logos sonores. Le légendaire thème de James Bond est identifié à jamais à son héros et au visuel du générique de Maurice Binder. Il donna lieu pourtant à un retentissant procès en paternité entre Monty Norman (auteur de la chanson d’où serait tiré ce thème, pour James Bond contre Dr No) et John Barry (qui l’aurait extrait de la mélodie d’origine, avant de l’arranger et de l’orchestrer). La popularité de ce thème signature est rejointe par celui de La Panthère rose (thème de Henry Mancini, également sur un générique de Binder) et, plus tard, par ceux de John Williams pour les sagas de Star Wars et d’Indiana Jones.
Le mixage
C’est au mixage que la relation avec l’image est scellée : musique plus ou moins forte, sous les dialogues, en compétition ou en harmonie avec les sons et les ambiances… Depuis l’apparition du son stéréo, puis l’évolution du Dolby et de la technologie numérique, la spatialisation de la musique transforme l’expérience sensorielle du spectateur. La musique est plus que jamais une petite flamme placée sous l’écran pour l’aider à s’embraser, selon les termes du compositeur américain Aaron Copland. La formule rappelle aussi que la musique doit rester au service du film.
La musique de film est exploitée de façon autonome depuis les débuts du cinéma sonore, par la publication de partitions, la radio, l’industrie du disque, puis la télévision et maintenant le Net. En dehors des films strictement musicaux, la bande originale est le plus souvent popularisée par une chanson reprenant le thème principal, ce qui participe amplement à la promotion du film. À l’inverse, certains morceaux préexistants de musique classique ou contemporaine sont devenus de grands succès commerciaux en tant que « bandes originales » de films connus.
Quand le réalisateur Martin Scorsese se voit proposer le projet Raging Bull, d’après le livre autobiographique du champion de boxe Jake LaMotta, il hésite : la boxe ne l’intéresse guère. Puis l’idée lui vient de faire accompagner les matchs par des airs d’opéra qui ont bercé son enfance. Une grandiloquence poétique se dégage de ces scènes de combats filmées au ralenti, grâce à l’intermezzo de Cavalleria rusticana de Mascagni, musique qui accompagne aussi la tragédie personnelle du héros.
Scorsese témoigne d’une grande connaissance de la musique de film. Il en propose une relecture personnelle, sous la forme d’un jeu de références aux maîtres du passé : hommage posthume à Bernard Herrmann pour Les Nerfs à vif (1991), remake utilisant la partition d’origine, et citation très remarquée de la musique du Mépris de Jean-Luc Godard, signée Georges Delerue, dans Casino (1995). En usant avec la même maestria de partitions originales (Taxi Driver, Le Temps de l’innocence, Hugo Cabret) et de musiques préexistantes (il est grand amateur de rock, auquel il a consacré plusieurs documentaires), le cinéaste se comporte comme s’il était le compositeur de ses propres films.
2001, L’odyssée de l’espace
Stanley Kubrick, en dépit des règles hollywoodiennes et contre l’insistance de la MGM, renonce à la musique composée par Alex North, au profit d’une sélection très personnelle de musiques préexistantes signées Richard Strauss, Johann Strauss ou György Ligeti. Kubrick aurait prévenu North qu’il n’utiliserait pas de musique dans la seconde moitié du film. Le compositeur découvre à l’avant-première du film que l’intégralité de sa musique a été supprimée. Dès lors, le cinéaste privilégie la musique de source sur les compositions originales.
Il ouvre la voie à de nombreux cinéastes dits « modernes ». Orange mécanique (1971) utilise ironiquement Purcell, Rossini, Beethoven ou Chantons sous la pluie. La musique classique de Haendel ou Schubert dans Barry Lyndon (1976) est à la fois magistralement intégrée au film et critiquée par les puristes pour ses arrangements. Il fait appel à la compositrice Jocelyn Pook pour Shining (1980) et Eyes Wide Shut (1999), tout en mêlant sa partition de musique préexistante, notamment de Ligeti, qu’il avait découvert au moment de 2001, L’odyssée de l’espace.
Une musique, plusieurs films
Jean-Sébastien Bach est l’un des compositeurs classiques les plus utilisés au cinéma, de façon littérale ou sous forme de citation musicale. Sa Toccata et fugue en ré mineur, dans sa version pour orgue ou pour orchestre, est généralement employée pour accentuer la solennité parfois funèbre d’une scène, d’un personnage voire d’un film entier. Cet emploi stéréotypé de musique « sérieuse » a également généré nombre de pastiches et de parodies.
À la découverte d’une musique perdue
Dans The Artist (2011), film entièrement muet, la musique de Ludovic Bource rend hommage aux classiques du cinéma américain. Lors du clou dramatique du film, le réalisateur Michel Hazanavicius avait placé comme « musique temporaire » le morceau composé par Bernard Herrmann pour la scène d’amour de Vertigo (Sueurs froides) ; il l’a conservé au montage pour la version finale. La musique que Ludovic Bource avait composée pour cette séquence n’a pas été gardée, mais nous proposons aux visiteurs de l’écouter.
Tandem Hitchkock-Hermann
Depuis les années 1930 les départements musique des grands studios hollywoodiens sont gérés par les producteurs. Les cinéastes ne choisissent pas leurs compositeurs, sauf à devenir leur propre producteur, comme Alfred Hitchcock.
Hitchcock avait courtisé Bernard Herrmann dès La Maison du docteur Edwardes (1945) : ce dernier étant pris ailleurs, Miklós Rózsa signe la musique de ce thriller psychanalytique. L’intuition initiale d’Hitchcock s’avère incroyablement juste, puisque, à partir de Mais qui a tué Harry ? (1955) jusqu’à Pas de printemps pour Marnie (1964), les deux hommes forment l’un des tandems les plus influents du cinéma.
Onirisme morbide dans Vertigo (Sueurs froides), vertige rythmique et allégresse mélodique dans La Mort aux trousses, toute-puissance de l’horreur dissonante dans Psychose, Herrmann propulse le cinéma d’Hitchcock à un niveau encore jamais atteint. Pour Le Rideau déchiré (1966), Hitchcock interrompt brutalement les sessions d’enregistrement du score d’Herrmann, à qui il reproche de ne pas être suffisamment « pop ». Son remplacement par John Addison met fin à une collaboration de douze ans et huit films, dont le compositeur se remettra difficilement.
L’Aurore : un chef d’œuvre, plusieurs musiques
Chef-d’œuvre reconnu du cinéma muet, le film de Murnau, réalisé à Hollywood en 1927, est sorti avec une bande sonore d’accompagnement qui mêlait une partition originale à des morceaux préexistants, arrangés pour la circonstance. Depuis quelques années, l’exploitation de ce classique en salle, à la télévision ou en vidéo, a donné lieu à divers accompagnements musicaux, dans des styles très différents, enregistrés ou représentés en ciné-concerts. Plusieurs choix sont proposés : la musique enregistrée de 1927, une partition originale de Timothy Brock, un album du groupe Lambchop et une adaptation de morceaux classiques préexistants par l’Ensemble instrumental Lachrymae…
Traffic Quintet : deuxième souffle pour les musiques de film
La violoniste Dominique Lemonnier a fondé le Traffic Quintet, avec la complicité du compositeur Alexandre Desplat et du vidéaste Ange Leccia. Dans ses créations, elle conjugue des transcriptions pour cordes de musiques de films et des œuvres vidéo qui rendent parfois hommage à des artistes tels que Jacques Monory. Musiciens : Dominique Lemonnier, Anne Villette (ou David Braccini), Estelle Villotte, Raphaël Perraud, Philippe Noharet.
Crédits de l’exposition
Commissaire : N. T. Binh
Comité scientifique : Pierre Berthomieu, Alexandre Desplat, Stéphane Lerouge, François Porcile, François Ribac, Nicolas Saada, avec la collaboration de l’UCMF
Scénographie : Agence Clémence Farrell
Design Graphique : Ich&Kar
Éclairage : Patrick Mouré
Dessins : Maxime Rebière
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Préfacé par le compositeur Alexandre Desplat, enrichi d’entretiens inédits avec des musiciens, des cinéastes et des professionnels, l’ouvrage réunit les meilleurs spécialistes sur le sujet. Il est accompagné d’une riche iconographie qui comprend des photos rares de sessions d’enregistrement, des manuscrits de partitions célèbres et des documents de travail.