Médiathèque / Exposition David Bowie is à la Philharmonie de Paris
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Expositions temporaires du musée de la musique
David Bowie Is
Exposition du 3 mars - 31 mai 2015 - Musée de la musique, Paris
Introduction
Conçue par le Victoria and Albert Museum de Londres, l’exposition David Bowie is… a connu un succès retentissant à Londres au printemps 2013. Depuis, elle a sillonné les grandes capitales du monde et a été présentée à la Philharmonie de Paris en 2015.
David Bowie a une influence majeure sur la musique et la culture populaire. Qu’il s’agisse du glam rock, du funk ou de la soul, du disco à l’électro, David Bowie endosse tous les genres avec une longueur d’avance. De Major Tom à Ziggy Stardust, d’Aladdin Sane à Halloween Jack, David Bowie, fasciné par les avant-gardes, s’invente, se métamorphose, se fuit et exhibe son corps devenu spectacle. Londres, New York en passant par Berlin et Paris : secouant le vieux monde et se moquant des frontières, sa géographie musicale anticipe et traverse les évolutions artistiques de notre histoire récente. C’est cet itinéraire riche et fascinant que l’exposition se propose de retracer. « I’m a collector » déclarait David Bowie en 1973 : un collectionneur d’idées, de personnalités, d’images et de visions parfois diamétralement opposées. Provenant essentiellement des archives de David Bowie, méticuleusement et miraculeusement gardées au fil d’une carrière longue de plus de cinq décennies, l’exposition témoigne du parcours hors normes d’un artiste unique et « inclassable ».
David Robert Jones naît à Brixton le 8 janvier 1947. En 1953, ses parents quittent Londres et déménagent en banlieue, près de Bromley. Son demi-frère, Terry, de 9 ans son aîné, qui vient parfois lui rendre visite, est à l’origine de son intérêt pour le jazz et les écrivains de la beat generation.
À l’adolescence, David se passionne pour la musique pop et la culture américaine. Il commence à jouer dans de petits groupes. Il quitte l’école à l’âge de seize ans pour aller travailler dans une agence de publicité. Un an plus tard, en 1964, il décide de devenir musicien professionnel. À cette époque, les Beatles, les Rolling Stones et une vague d’autres groupes révolutionnent l’industrie de la pop britannique. Entre 1963 et 1969, David joue, écrit, enregistre des chansons, apprend à jouer la comédie et à devenir David Bowie, sans toutefois, parvenir à percer.
En janvier 1969, les journaux publient les premières photographies en couleur de la Terre vue de l’espace. Dans une nouvelle chanson au sujet d’un astronaute perdu dans l’espace, David Bowie écrit : Planet Earth is blue / And there’s nothing I can do… Il l’intitule Space Oddity, en hommage au film réalisé par Stanley Kubrick en 1968.
Le single est publié en juillet, peu de temps après le début de la mission lunaire Apollo 11. Le 20 juillet, la BBC diffuse la chanson sur les images de l’alunissage : Ground Control to Major Tom / Your circuit’s dead / There’s something wrong…Un choix étrange, certes, mais quel morceau ! En octobre, le single pointe en cinquième position des charts britanniques. David Bowie est enfin sur orbite.
Principal protagoniste de la chanson, le Major Tom – personnage complexe, à la fois astronaute héroïque et homme ordinaire déséquilibré et vulnérable – refera une apparition dans la chanson Ashes To Ashes en 1980, puis, seize ans plus tard, dans la version single de Hallo Spaceboy…
S’immisçant dans les foyers britanniques via la télévision, sidérant les adolescents autant que leurs parents, David Bowie, cheveux rouge sang et platform boots assorties, chante Starman à l’émission Top Of The Pops. On n’a encore jamais rien vu de pareil. Est-il un garçon ou une fille ? Un terrien, ou un extra-terrestre ?
Dans une combinaison moulante et multicolore qu’il définit comme de l’ultra violence en tissu Liberty, façonné et fasciné par les personnages d’Orange mécanique de Stanley Kubrick, David Bowie s’affirme comme le pionnier glamour de la construction des identités, défiant la notion de genre comme la norme sociale. Il est l’un de ces « astronautes de l’espace intérieur » décrits par l’écrivain de romans d’anticipation J.A. Ballard, un explorateur de la sphère psychique, plutôt désabusé quant au prétendu progrès de l’humanité. Il estime que la pop a besoin d’une bonne révision et que, comme l’a dit Marshall McLuhan, « le message, c'est le médium ». I had to phone someone so I picked on you… En chantant ces mots, Bowie les travestit, il construit une identité au moyen d’idées piquées un peu partout. Vous pouvez le rejoindre. Vous avez été choisi. Vous pouvez être qui vous voulez…
Si tous les artistes s’inspirent du monde qui les entoure, rares sont ceux qui élargissent à ce point leur champ d’investigation et créent quelque chose d’aussi inédit. David Bowie écume les galeries d’art de l’Europe entière, dévore des livres, voit des films et des pièces de théâtre, fait cause commune avec l’avant-garde, parle aux gens ; il aime vraiment la musique, et pas seulement la sienne. Que ce soit le titre ou la couverture d’un livre, un costume dans un film, une philosophie ou la « stratégie oblique » de la chance : tout peut, à tout moment, devenir catalyseur de création…
L’énergie que Bowie consacre à la recherche de nouvelles idées, de même que son talent pour en tirer exactement ce dont il a besoin, est un facteur clé de son succès. À la différence de nombreuses stars, il n’est prêt ni à se plier aux attentes des maisons de disques, ni à reproduire de vieilles recettes. Pour David Bowie, il est toujours temps de passer à autre chose.
Pour David Bowie, le songwriting fait partie d’un processus créatif qui intègre paroles, musique, production et image. De même qu’il superpose des influences venues de la musique, du théâtre et de l’art, il imbrique dans ses chansons plusieurs niveaux de signification, de manière à y découvrir quelque chose de nouveau à chaque fois. Dans les années 1970, Bowie était fasciné par le hasard en tant que source de créativité. En plus des méthodes d’écriture conventionnelles, il a eu recours à la technique du cut-up ou encore, dans les années 1990, à un générateur aléatoire de mots. Considérant l’aspect visuel comme une partie du processus, il utilise également la peinture pour tester des textures musicales.
Les chansons de David Bowie possèdent rarement une signification directe ou unidimensionnelle. Il dit aimer l’idée qu’elles soient un medium que les autres peuvent interpréter ou utiliser comme ils l’entendent. Néanmoins, entre trouvailles poétiques – a gazely stare, hot tramp – et phrases aux allures de slogans – We can be heroes –, son style reconnaissable entre tous l’a imposé au firmament des songwriters.
Entre 1967 et 2013, David Bowie a enregistré vingt-sept albums studio et publié plus de cent cinquante disques live, singles et vidéos musicales. Le studio a beau évoluer, il reste le cœur de la production, le creuset de la création, théâtre de longues heures d’un travail intense. Depuis les quatre-pistes analogiques des années 1960 à l’infinité de pistes de l’ère numérique, les avancées des techniques d’enregistrement ont démultiplié les possibilités. L’enregistrement n’en réclame pas moins une attention toujours aussi exclusive – du silence, un micro, des musiciens à disposition et un producteur à la console de mixage. David Bowie change de studios et de techniques au gré de ses ambitions. S’il lui arrive de tout préparer à l’avance, le plus souvent il crée avec ses musiciens en studio, à partir d’idées qu’il a notées dans ses carnets. Quels que soient le processus et les pressions extérieures, Bowie est réputé pour sa concentration, son savoir-faire et sa rapidité. Il contrôle toutes les opérations, de la conception au résultat final en passant par la réalisation. À ce jour, il a vendu plus de cent quarante millions de disques…
David Bowie contrôle personnellement l’ensemble de son œuvre, de la musique aux pochettes de disques, des costumes à la scénographie, jusqu’au merchandising de tournée. Afin de matérialiser sa vision, il travaille aussi bien avec des musiciens et des producteurs qu’avec des chorégraphes, des artistes, des photographes, des designers, des stylistes, des scénographes, des décorateurs, des éclairagistes... Il est toujours à la recherche de collaborateurs, d’avant-garde, célèbres, et fait montre d’un talent particulier pour trouver celui qui pourra le mieux exprimer ce qu’il a à dire. Si une chose ne fonctionne pas, il l’abandonne.
Certaines de ses collaborations artistiques sont durables, comme celle qui le lie à Tony Visconti, producteur de treize de ses albums, depuis Space Oddity en 1969 jusqu’à The Next Day quarante-quatre ans plus tard. D’autres au contraire sont des associations ponctuelles démontrant un sens aigu du timing, comme avec Jules Fisher, scénographe de la spectaculaire tournée Diamond Dogs, le styliste Kansai Yamamoto au début des années 1970, ou Alexander McQueen à la fin des années 1990.
En 1967, à l’âge de vingt ans, David Bowie découvre la scène et la possibilité de faire passer ses idées à travers des personnages hors du commun.
Dans les années 1960, le rock est affaire d’authenticité, mais Bowie voit l’avenir (et la décennie suivante) tout à fait autrement. Il parie sur le jeu d’acteur, les masques, le maquillage, les costumes, le kabuki, le mime et l’imagination.
Il emprunte et il crée des personnages : le Major Tom, Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Halloween Jack, le Thin White Duke, le détective Nathan Adler, le Minotaure.
Mais il existe également un personnage David Bowie, un artiste qui, comme le surréaliste Marcel Duchamp en 1923, estime que la non-performance est une forme de performance, et que dans un monde obsédé par la célébrité, ne pas être sur le devant de la scène est une manière d’y être.
Contrairement à d’autres célébrités, David Bowie refuse d’imposer un comportement aux gens. Traçant publiquement sa propre route, il nous montre que nous sommes libres d’être qui et comme nous voulons.
David Bowie ne peut s’empêcher de défier les règles établies. Certains de ses spectacles, costumes et pochettes de disque ont été censurés. Il joue également un jeu subversif avec la vérité comme avec les médias. En 1972, il déclare au Melody Maker qu’il est homosexuel et qu’il l’a toujours été. À l’époque où les mouvements en faveur des droits des homosexuels commencent à peine à émerger, il réussit à offrir un autre type de masculinité. Sublime, coolissime, adulé, Bowie fait bouger les mentalités.
Tout le monde ne peut pas être David Bowie, mais chacun peut, suivant son exemple, s’habiller et vivre sa sexualité librement – ce qui reste un défi de taille dans de nombreuses sociétés. Ce documentaire sur l’Angleterre extrait de la série d’émissions Nationwide montre que le pays était bien différent en 1973. Il met en lumière la dérision de l’institution, mais aussi l’enthousiasme des fans.
La tournée Diamond Dogs de 1974 proposait un spectacle tout à fait inédit dans l’histoire du rock. Une véritable composition, aussi bien musicale que théâtrale, en avance de plusieurs années sur son époque… Le spectacle rock le plus original auquel il nous ait été donné d’assister, rapporte le Melody Maker à ses lecteurs britanniques, qui n’auront pas la chance de la voir. Les décors urbains s’inspirent du roman 1984 de George Orwell, que Bowie avait rêvé d’adapter à la scène et au cinéma. Pour concrétiser son ambition, en plus d’excellents musiciens, il a réuni autour de lui – chose tout à fait inhabituelle pour une tournée rock – une équipe d’éminents collaborateurs venus du théâtre.
La tournée Diamond Dogs se transforme en tournée Philly Dogs et s’étale sur plus de six mois, de juin à décembre. Vers la fin, Bowie y ajoute même certaines chansons de son album à venir, Young Americans, d’inspiration soul. Malgré son succès spectaculaire, cette tournée n’a donné lieu à aucune captation – les images du concert de Philadelphie que l’on peut découvrir ici étant restées jusqu’alors inédites. Les concerts de rock ne seront plus jamais les mêmes.
David Bowie veut que la musique ressemble à la manière dont elle sonne. Il crée Ziggy Stardust. L’invention de ce personnage, que Bowie donne vraiment l’impression d’incarner, est quelque chose de totalement inédit.
L’histoire de ce Ziggy à l’allure extraterrestre retrace son ascension jusqu’à la gloire et sa chute. Le personnage est inspiré de plusieurs figures de rockers excentriques comme Vince Taylor ou The Legendary Stardust Cowboy, mais aussi par Little Richard, l’idole de Bowie. En plus de sa coiffure rouge vif caractéristique, Bowie arbore sur scène de fabuleux costumes, de plus en plus flamboyants, et dont il change à un rythme effréné.
En juillet 1973, à l’apogée de la popularité de Ziggy, David Bowie, égal à lui-même, décide de surprendre ses fans (et certains membres de son groupe). Juste avant de chanter Rock’n’roll Suicide, il annonce : C’est non seulement le dernier concert de la tournée, mais c’est aussi le dernier que nous donnerons jamais.
En 1974, David Bowie déclare : Il faut que ce soit tridimensionnel… Écrire des chansons ne me suffit pas. Ses clips précurseurs, fruit de ses collaborations avec des artistes et réalisateurs talentueux, restent encore aujourd’hui des références en matière de créativité et d’innovation.
Les musiciens ont commencé à faire des films promotionnels bien avant que le lancement de la chaîne MTV en 1981 ne vienne marquer l’avènement de l’« ère vidéo ». Dans les années 1960, les Beatles et les Rolling Stones sont parmi les premiers à considérer la vidéo comme une extension de leur art, et pas seulement comme un outil marketing. Diffusé la première fois en 1973, Life On Mars ?, premier clip marquant de Bowie, n’a rien perdu de sa force : évoluant dans un décor blanc, Ziggy semble incarner une vision turquoise de l’avenir.
En 1980, l’emblématique Ashes To Ashes créé à partir d’un storyboard de Bowie fut réalisé par David Mallet, en partie sur la plage d’Hastings, avec des figurants ramassés au Blitz, un nightclub de Londres. Cette vidéo, dont l’influence a été déterminante correspond à la vision du Rock selon Bowie : Pierrot incarne le « medium » parfait du rock.
Dans les années 1950, lorsque David Bowie est encore enfant, les idoles suprêmes sont des stars de cinéma. Les artistes rock même les plus célèbres ne font qu’une brève carrière et très peu d’entre eux ont la chance, comme Elvis Presley, de la prolonger au cinéma ou dans le divertissement. En 1967 et 1968, David Bowie apprend la comédie avec l’acteur et mime Lindsay Kemp, et passe des auditions pour des rôles au cinéma ou au théâtre.
Au cours des années 1960, la pop star se substitue à l’acteur en tant qu’objet d’adoration populaire. Bowie contribue à ce changement. Mais ses talents de comédien lui valent également de jouer dans plus de vingt films de cinéma, à la télévision, mais aussi à Broadway, dans la pièce à succès Elephant Man. Égal à lui-même, il interprète des personnages très différents (Andy Warhol, Ponce Pilate, le Roi des Gobelins…), préférant généralement les films d’auteur au cinéma commercial. Ses performances suscitent souvent les louanges de la critique, parfois aussi l’indifférence. Il est toujours autant fasciné par le cinéma, et son fils, Duncan Jones, est un réalisateur reconnu.
Berlin : une échappatoire, un endroit, un espace pour se débarrasser de la drogue, trouver une nouvelle énergie et explorer des idées musicales neuves. Un point d’ancrage pour une trilogie d’albums révolutionnaires : Low (1977), Heroes (1977) et Lodger (1979), que David Bowie considère comme son ADN.
Au 155 Hauptstrasse, Bowie oublie Los Angeles et la pression de la célébrité pour savourer l’anonymat dans une ville plus ancienne et plus authentique, marquée par la guerre et divisée en deux. À l’ombre du Mur (Die Mauer), il absorbe Brecht, le cabaret, l’expressionnisme, la mode européenne, de la bière et des saucisses.
Ce sont les années « Black and White » : quatorze mois d’une intense créativité artistique et musicale avec Iggy Pop, Brian Eno et Tony Visconti. David Bowie expérimente avec des morceaux instrumentaux, repousse les frontières et adopte les « stratégies obliques » de Brian Eno en studio. En 1978, à court d’argent, il part pour une tournée mondiale de quatre-vingt-dix concerts et joue dans Just a Gigolo, un film avec Marlene Dietrich. En 2013, il retourne dans la capitale de l’Allemagne réunifiée pour demander : où en sommes-nous maintenant ? (Where are we now ?)
David Bowie est un performeur radicalement novateur. En plus de 1 000 concerts donnés dans 31 pays, dans le cadre de 12 tournées internationales entre 1972 et 2004, il a su fusionner le rock avec des éléments empruntés au mime aussi bien qu’à la street dance : Je ne pourrais pas envisager de faire quelque chose sur scène qui soit sans rapport avec le théâtre.
Il bat des records de fréquentation : les 80 000 personnes qui assistèrent à son concert en Nouvelle-Zélande en 1983 formaient, en proportion de la population, la plus grande foule jamais réunie dans le monde selon le Livre Guinness des Records 1984. Il invente de nouvelles façons de toucher le public. En 2003, plus de 50 000 spectateurs ont assisté à un concert retransmis, en son surround 5.1, dans 86 salles de cinéma de 22 pays différents. À travers une infinité de sites Internet et son site Bowienet – le premier fournisseur de services internet lancé par un musicien –, il continue de tourner, virtuellement, dans le monde entier.
David Bowie est un musicien, un performer, un artiste et une source d’inspiration. Il intègre des influences d’avant-garde à une musique et à des concerts destinés au plus grand nombre, et possède l’étrange faculté d’anticiper et de définir la direction que va prendre la culture populaire. Il comprend son public, mais en agissant de manière audacieuse et imprévisible, il conserve son intégrité artistique. Il est, pour des milliers de personnes, un fil conducteur vers de nouvelles idées, doublé d’une icône visionnaire.
L’annonce de la parution de son album The Next Day en 2013, après une décennie de silence presque total, a suscité une réaction mondiale sans précédent. On peut dire, en détournant un slogan forgé par sa maison de disques dans les années 1970, qu’il y a l’ancienne musique, la musique nouvelle et il y a David Bowie. Cette exposition raconte une partie de l’histoire, mais le reste demeure en chacun de nous, son public, dans le lien que nous avons tissé avec l’homme et le mythe. Pour David Bowie, la musique est un médium dont chacun est libre d’admirer, d’adopter et de réinventer pour faire sienne.
Le glam (de glamorous), plus communément appelé à l’époque « glitter rock » (glitter signifie « scintiller »), est un style qui s’est développé au Royaume-Uni à l’orée des années 1970. Un style autant vestimentaire que musical, et hautement composite. Arborant maquillage et déguisements, les musiciens glam (Gary Glitter, Slade, Sweet, Wizzard ou, outre-Atlantique, les New York Dolls) convoquent un univers visuel qui va des peintres préraphaélites aux films de science-fiction, en passant par le glamour façon Hollywood ou le style cabaret. Il s’agit pour eux de ressusciter le rock des origines en l’habillant de paillettes – John Lennon définira le glam comme du rock’n’roll avec du rouge à lèvres –, même si un groupe comme Roxy Music insuffle une densité musicale inédite. En créant le personnage de Ziggy Stardust, David Bowie impose un personnage androgyne et va faire sortir le glam rock du simple folklore en le chargeant d’ambiguïté sexuelle, remettant en question la dimension masculine, voire machiste, du rock’n’roll. En janvier 1972, un mois avant le début de la tournée Ziggy Stardust, il brise un tabou en révélant sa bisexualité dans un entretien à l’hebdomadaire Melody Maker, chose qu’aucun musicien n’avait osée avant lui. Par cette manière de mettre en scène sa singularité, comme par son look précurseur (cheveux courts teints en rouge), il préfigure l’explosion punk.
Plastic Soul
Dès le départ, les musiques noires ont fait partie de l’ADN musical de David Bowie. Fan de jazz comme de Little Richard, il s’y intéresse plus particulièrement durant sa période <mod. Quelques années plus tard, en 1973-74, à New York, il rencontre le guitariste américain d’origine portoricaine Carlos Alomar – qui collaborera avec Bowie pendant plus d’une décennie. Bowie est alors mû par une réelle attirance, mais aussi par un désir de comprendre les racines musicales du pays où il vient de s’installer pour mieux en conquérir, enfin, le public. Avec Alomar, il assiste à l’âge d’or du théâtre Appollo s’initiant à la soul, au funk ou au rhythm’n’blues. En résultent deux albums majeurs, tous deux parus en 1975 : Young Americans (enregistré en 1974 durant la tournée américaine de Diamond Dogs), puis Station To Station. Ce n’est pas un hasard si le premier a été en partie enregistré à Philadelphie, alors capitale de la « Philly Soul ». Porté par le tube Fame, numéro 1 aux États-Unis, Young Americans, en particulier, s’avère fondamental pour la pop contemporaine, autorisant à l’avenir maints musiciens blancs – des Bee Gees à Simply Red – à s’approprier sans complexe les musiques noires. C’est une soul blanche, une « plastic soul », ainsi que l’intéressé l’a lui-même définie. Une musique faussement authentique, mais authentiquement révérencieuse… En 1983, David Bowie revient aux musiques noires. Grâce un autre guitariste américain – Nile Rodgers, leader du fameux groupe disco Chic –, il devient alors, avec le funk blanc de l’album Let’s Dance, une superstar planétaire. Dix ans plus tard, Rodgers est également aux commandes de Black Tie White Noise, sur lequel intervient le trompettiste Lester Bowie.
Explorations électroniques
En 1975-76, durant son séjour américain, David Bowie se passionne pour le groupe allemand de pop électronique Kraftwerk : de même que la musique synthétique composée par Wendy Carlos pour le film Orange mécanique introduisait la tournée Ziggy Stardust, c’est leur tube Radioactivity qui ouvre les concerts du White Light Tour. Le choix de s’installer à Berlin et de travailler avec Brian Eno pour les albums de sa trilogie abusivement qualifiée de « berlinoise » – Low fut enregistré principalement en France et Lodger en Suisse et à New York – est révélateur : Eno venait de collaborer avec Harmonia, formation majeure de la « kosmische Musik » allemande (également dite « Krautrock »), et était en train de préfigurer la musique ambient. En grande partie instrumentaux, les albums Low et Heroes portent la trace de cette influence : outre l’utilisation massive de synthétiseurs (notamment l’EMS Synthi AKS et le mini Moog de Brian Eno), ils doivent beaucoup aux expérimentations de studio. Parus tous deux en 1977, l’année du punk, ces disques exigeants anticipent la vague électro-pop qui va bientôt déferler sur l’Angleterre, avec des groupes comme Ultravox ou The Human League. Ils feront beaucoup pour la crédibilité artistique de Bowie. En 1995, ce dernier retrouve Brian Eno pour 1.Outside, disque qui prolonge l’esprit de leur précédente collaboration. Quant à l’album suivant, Earthling (1997), il révèle un musicien passionné par la jungle et la drum’n’bass, courants qui donnèrent un nouvel élan à la scène électronique.
David Bowie et la france
Passionné par la poésie française et grand admirateur des chansons à textes de Édith Piaf ou Jacques Brel – dont il allait reprendre Ma mort et Amsterdam dès 1971 –, David Bowie donne en France son premier concert à l’étranger. Il vient alors d’adopter définitivement son pseudonyme, et, entouré de son groupe, The Lower Third, il se produit trois soirées de suite, entre le 31 décembre 1965 et le 2 janvier 1966, au Golf Drouot et au Bus Palladium à Paris. Dans les années 1970, Bowie enregistre à deux reprises en France, au mythique château d’Hérouville. Transformé en studio par le compositeur Michel Magne, celui-ci a déjà accueilli Elton John, Pink Floyd, Cat Stevens ou Marc Bolan lorsqu’en juillet 1973, Bowie l’investit pour y enregistrer Pin Ups, son album de reprises. Trois ans plus tard, en septembre 1976, avec Brian Eno, il revient graver l’album Low dans ce château que l’on dit hanté (comme l’était Haddon Hall, la demeure victorienne où il avait composé ses premiers albums). Les deux musiciens racontent y avoir été témoins de phénomènes pour le moins surnaturels… La décennie suivante, la France succombe comme les autres à la « Bowiemania » : les deux concerts du Serious Moonlight Tour donnés en juin 1983 à l’hippodrome d’Auteuil rassemblent chaque soir 100 000 spectateurs. C’est enfin à Paris, sur un bateau descendant la Seine, qu’en octobre 1991, David Bowie demande en mariage le top-model Iman Mohamed Abdulmajid.
Diaporama
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Crédits de l’exposition
Commissaires : Victoria Broackes, Geoffrey Marsh
Scénographie : Agence Clémence Farrell, Mélinée Kambilo, chef de projet
Conception lumière : Atelier Hervé Audibert, Nina Cammelli, chef de projet ; Soukvilay Cordier-Bounnhoseng, graphisme
Ce type de synthétiseur a été utilisé par des musiciens de rock et de pop (Brian Eno, les Pink Floyd dans On the run en 1973, Jean-Michel Jarre, mais aussi des compositeurs de musiques de films...). Il était présent dans la majorité des studios de musique en Europe.
Livre Bowie Philosophie Intime de Simon Critchley / Traduit de l’anglais par Marc Saint-Upéry
Collection Culture Sonore, 2015
Ce récit drôle et sensible, écrit à la première personne par l’un des philosophes anglais les plus doués de sa génération, offre une réflexion originale sur l’univers flamboyant de David Bowie.