Médiathèque / Exposition Chopin à Paris, l'atelier du compositeur à la Philharmonie de Paris
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Expositions temporaires du musée de la musique
Chopin à Paris, l’atelier du compositeur
Exposition du 9 mars au 6 juin 2010 - Musée de la musique, Paris
Introduction
Frédéric Chopin est né en Pologne en 1810 d’un père français et d’une mère polonaise. Enfant prodige, il joue régulièrement pour le grand-duc Constantin, vice-roi de Pologne et frère du Tsar Nicolas Ier.
Point d’orgue des années d’apprentissage à Varsovie, les concerts que donne le célèbre violoniste Paganini en mai 1829 confirment chez Chopin le désir de ne dédier son art qu’à un seul instrument : le piano. Célébré dans son pays, il quitte la Pologne en novembre 1830 pour parfaire son éducation musicale et amorcer une tournée européenne. Chopin se rend à Vienne où il apprend le soulèvement de Varsovie contre le pouvoir russe. Suivant les conseils de ses proches, il renonce à se joindre au combat.
Alors qu’il fait le projet de se rendre à Londres pendant l’été 1831, c’est finalement à Paris, la ville même de l’effervescence musicale, qu’il s’établit en octobre. Il y demeurera jusqu’à sa disparition en octobre 1849, sans n’être jamais retourné en Pologne.
L’exposition invite à découvrir l’univers musical de Chopin au cœur des cercles artistiques parisiens, à comprendre son attachement indéfectible au piano et à pénétrer dans l’atelier du compositeur, là où l’œuvre se crée.
Paris en 1830 est la capitale européenne des arts, la ville qu’il faut conquérir pour faire carrière. À l’instar de nombreux artistes européens, Chopin est attiré par cette cité du piano, Pianopolis, comme l’on a surnommé la capitale française.
La vie mondaine et artistique à Paris se partage entre les anciens quartiers aristocratiques (le Faubourg Saint-Germain, le Marais) et les nouveaux centres urbains, comme la Chaussée d’Antin ou le Boulevard des Italiens.
Si Chopin aime à entendre le fleuron de l’école pianistique européenne, il restera pendant toute sa carrière un artiste à part, préférant l’intimité du salon à la lumière de la salle de concert.
Sa première admiration pour les pianistes contemporains va à son aîné, Kalkbrenner, représentant de l’école classique qu’il estime. Il donne son premier concert en sa compagnie et lui dédie son Concerto en mi mineur.
S’il reconnaît les qualités musicales de son ami Hiller, voire le jeu virtuose de Thalberg ou des frères Herz, il place bientôt Liszt, qui représente le versant moderne de l’école de piano, au-dessus de tous les pianistes de sa génération.
Chopin et Pleyel
C’est vraisemblablement par l’entremise de Kalkbrenner, associé à Camille Pleyel dans la fabrication et la vente des pianos de la firme, que Chopin découvre les instruments de la maison Pleyel et c’est dans les salons Pleyel que Chopin se produit pour la première fois en concert à Paris le 25 février 1832.
D’emblée, le compositeur les trouve « non plus ultra ». Chopin restera fidèle aux instruments Pleyel jusqu’à la fin de sa vie : de Valdemossa à Nohant, comme dans ses différentes adresses parisiennes, ce seront toujours un piano à queue, un pianino ou un piano carré de Pleyel qui nourriront l’inspiration du compositeur.
Ainsi rapporte-t-on ses propos : « Quand je suis mal disposé […], je joue sur un piano d’Erard et j’y trouve facilement un son tout fait ; mais quand je me sens en verve et assez fort pour trouver mon propre son à moi, il me faut un piano de Pleyel. » Au-delà des intérêts commerciaux, Chopin entretiendra de véritables liens d’amitié avec Camille Pleyel à qui il dédiera ses 24 Préludes op.28.
La facture de piano
L’industrie du piano connaît un essor considérable en France dans la première moitié du XIXe siècle. Le nombre de facteurs de pianos installés à Paris quadruple en quelques décennies et ce sont près de trois mille ouvriers qui s’occupent de la fabrication de ces instruments. Aiguillonnés par des instrumentistes de plus en plus exigeants qui les représentent (Chopin pour Pleyel, Liszt pour Erard), stimulés par la publicité que représente la participation aux expositions nationales et internationales, les fabricants rivalisent d’ingéniosité. Les brevets déposés proposent des instruments à la fois plus puissants, plus fiables et permettant une plus grande virtuosité.
De même, à côté des formes traditionnelles comme les pianos carrés, à queue ou pianinos (petits pianos droits), on voit fleurir les instruments en forme d’armoire, de bureau, de console ou même de billard, destinés à s’intégrer dans le mobilier bourgeois.
La vie musicale à l’époque romantique se joue essentiellement dans les salons, noyaux de la sociabilité mondaine et berceaux des échanges entre les arts. Au Faubourg Saint-Germain comme dans le quartier de la Chaussée d’Antin, Chopin fréquente l’aristocratie et la haute bourgeoisie parisiennes, auprès desquelles il trouve ses premiers élèves et se produit en concert.
Il y croise artistes, écrivains et journalistes et rencontre George Sand. Leur liaison se poursuit de 1838 à 1847. La romancière joue un rôle protecteur auprès du compositeur et lui rend familiers certains cercles intellectuels et artistiques.
Chopin et la musique de manière générale occupent une place de choix dans l’œuvre littéraire de George Sand. Le pianiste apparaît en particulier dans les récits et romans à portée autobiographique comme Un hiver à Majorque ou Lucrezia Floriani. Les deux artistes passent l’été à Nohant, dans la maison de George Sand où celle-ci achève plusieurs romans, dont La Mare au diable qu’elle dédie à Chopin en 1846.
L’un et l’autre sont amis d’Eugène Delacroix, à qui l’on doit plusieurs de leurs portraits. Le Journal du peintre témoigne de cette amitié et relate leurs débats sur les rapports entre musique et peinture.
La relation entre Chopin et Liszt est plus ambiguë : les deux pianistes originaires d’Europe centrale se vouent une admiration réciproque, non dénuée d’une certaine rivalité. Intime de ces musiciens, la cantatrice et compositrice Pauline Viardot transcrira pour la voix quelques mazurkas de Chopin.
La Polonia en exil
La lutte contre l’oppression tsariste conduit à l’insurrection de Varsovie en novembre 1830, mouvement durement réprimé par les troupes russes en septembre 1831. La « Grande émigration » fait converger les patriotes polonais vers Paris où se constitue une diaspora forte de plus de six mille réfugiés.
La Société littéraire polonaise que Chopin rejoint en 1833, peu après sa fondation, rassemble les intellectuels polonais exilés, dont le grand poète Adam Mickiewicz. Ce milieu, où la langue et les traditions polonaises reprennent vie, est déterminant pour Chopin : le pianiste y garde un lien avec son pays et compose des œuvres d’inspiration polonaise, Mazurkas ou Polonaises, souvent dédiées à ses compatriotes en exil.
Tout acquis à la cause polonaise, il participe à un concert de bienfaisance donné au Théâtre Italien en 1835 et fréquente l’aristocratie lors des nombreuses réceptions que donne la famille Czartoryski à l’hôtel Lambert à partir de 1843.
Les premières œuvres parisiennes de Chopin privilégient d’abord des formes brèves – Mazurkas, Nocturnes – très vite concurrencées par des pièces de plus grand format telles que Scherzos, Ballades et Polonaises.
Brillant improvisateur, Chopin ne compose pas à sa table de travail mais au piano. Selon George Sand, témoin privilégié, « sa création était spontanée, miraculeuse… Elle venait sur son piano soudaine, complète, sublime ».
Les manuscrits de Chopin portent les marques de corrections, ratures et repentirs mais il note soigneusement des détails de phrasé ou d’indications de pédale. Ses amis – Julien Fontana, Auguste Franchomme, Edouard Wolff – l’assistent et préparent les copies manuscrites qu’il corrigera encore, de même que les premiers tirages de la gravure, avant l’envoi final à l’éditeur.
À ce stade d’élaboration, Chopin peut rejeter une version juste avant qu’elle ne soit confiée au graveur, comme ce fut le cas pour la Berceuse op. 57. Les épreuves corrigées et la correspondance de Chopin font état de ses exigences et de ses relations parfois conflictuelles avec ses éditeurs.
Ce travail laborieux s’achève lors de l’édition simultanée des œuvres de Chopin à Paris, Londres, Leipzig et Berlin : cette diffusion, plus que sa notoriété de pianiste, conforte la célébrité européenne du compositeur.
L’œuvre de Chopin, objet de culte
Alors que leurs rapports se sont dégradés, la relation entre Chopin et Sand prend fin en juillet 1847. Quelques mois plus tard, Paris est secoué par la Révolution de février 1848 et le compositeur accepte alors l’invitation de son élève Jane Stirling à venir se produire en Angleterre et en Ecosse. Arrivé à Londres en avril 1848, Chopin donne de brillants concerts, notamment en présence de la reine Victoria.
Cette tournée de sept mois l’affaiblit gravement et la tuberculose a raison de lui : Chopin s’éteint place Vendôme le 17 octobre 1849, à 39 ans, entouré de ses amis, qui lui organisent des funérailles grandioses dans l’Eglise de la Madeleine.
La disparition de Chopin s’accompagne immédiatement de la naissance d’un véritable culte autour de la figure du compositeur. Disciples et éditeurs tiennent à lui rendre hommage en poursuivant le travail de correction des dernières épreuves en vue de leur diffusion. La Valse op. 70 n° 2 est ainsi publiée de manière posthume, reflétant les différentes versions que Chopin avait offertes à ses élèves. Admirateurs, amis et élèves contribuent à l’apparition d’un mythe, qui fait de Chopin l’artiste romantique par excellence.
Les sources d’inspiration de Chopin
La musique de Chopin trouve ses racines dans celle des grands maîtres du passé comme Bach dont il sait par cœur Le Clavier bien tempéré qu’il joue quotidiennement. Fin connaisseur de Mozart, son œuvre s’imprègne également du bel canto italien.
À son arrivée à Paris, Chopin assiste aux représentations de Robert le Diable de Meyerbeer dont la mise en scène spectaculaire l’enthousiasme. Il fréquente le Théâtre Italien, rencontre Rossini, Cherubini et Paër, et admire surtout l’art de Bellini.
Pourtant, si son entourage l’incite à écrire pour l’opéra, considérant que là se joue le succès d’une carrière, Chopin compose presque exclusivement pour le piano. Certaines œuvres, comme les deux concertos pour piano et orchestre, les variations pour piano et orchestre sur un thème du Don Giovanni de Mozart ou la sonate pour piano et violoncelle, donnent voix à d’autres instruments, mais le piano y garde toujours une place prépondérante.
Chopin choisit de cultiver aussi bien les formes et genres hérités de l’âge classique (Etudes, Préludes, Sonates, Variations) que celles dessinées par l’esprit romantique (Ballades, Nocturnes, Scherzos, Valses, Tarentelles, Berceuses). C’est dans cette double approche qu’il faut comprendre l’inventivité et le génie de la musique de Chopin.
Le Salon de cinéma, dernière salle de l’exposition, illustre la prolongation du « culte chopinien » dans le septième art. Des extraits de films phares de l’histoire du cinéma mettent en scène la figure de Chopin, ou sa musique qui devient un ressort dramatique à part entière. De 1928 à 2002, muet ou sonore, en noir et blanc ou en couleur, les grands réalisateurs du XXe siècle (Ophuls, Renoir, Buñuel, Visconti, Bergman, Zulawski, Polanski, etc.) ont réuni des acteurs emblématiques (Catherine Deneuve, Ingrid Bergman, Jean-Paul Belmondo, Marie-France Pisier, Sophie Marceau, Adrien Brody) pour donner à voir et à entendre la musique de Chopin.
La valse de l’adieu, Henry Roussel, 1928
Valse brillante de Chopin, Max Ophuls, 1935
La règle du jeu, Jean Renoir, 1939
La chanson du souvenir, Charles Vidor, 1945
Tristana, Luis Buñuel, 1969
L’innocent, Luchino Visconti, 1975
Sonate d’automne, Ingmar Bergman, 1977
Le guignolo, Georges Lautner, 1980
La note bleue, Andrzej Zulawski, 1990
Le pianiste, Roman Polanski, 2002
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Crédits de l’exposition
Commissaire : Jean-Jacques Eigeldinger, professeur à l’Université de Genève ; Thierry Maniguet, conservateur au Musée de la musique ; Cécile Reynaud, conservateur à la Bibliothèque nationale de France
Scénographie : Olivia Berthon assistée de Georgiana Savuta
Conception Graphique : Leonie Young
Conception lumière : Abraxas
Parcours sonore : Bruno Sébald, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale de France
Production audiovisuelle : Camera Lucida
À voir aussi
Instrument du Musée de la musique
Piano à queue Ignace Pleyel et Cie Pleyel
Ardent partisan de la firme dirigée par Camille Pleyel, Chopin joua sur des pianos très proches de celui-ci.
La médiathèque propose une sélection d’ouvrages autour des principaux thèmes abordés tout au long du parcours de l’exposition Chopin à Paris, l’atelier du compositeur.
Divers aspects du texte musical de Chopin furent aussi abordés, faisant apparaître dans son écriture une progression créatrice incessante liée à son génie de l’improvisation.