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L’influence de l’Orient sur la musique occidentale
L’Orient : un « ailleurs »
Qu’est-ce que l’Orient ? L’Orient, c’est là où le soleil se lève, l’est, à l’opposé de l’Occident. Il existe des notions de Proche, Moyen et Extrême-Orient qui désignent des zones géographiques précises : Turquie, Syrie, Liban, Égypte, Palestine, Irak, Iran et Jordanie pour le Proche et le Moyen-Orient ; Sibérie de l’est, Chine, Japon et Inde pour l’Extrême-Orient. Mais quand on parle de l’influence de l’Orient dans l’art occidental, c’est d’un Orient plus vaste et moins précis dont il s’agit, une sorte de monde fantasmé et fascinant qui se dévoile progressivement à l’Occident depuis la Renaissance : d’abord avec les croisades et les premiers explorateurs comme Marco Polo, puis avec la multiplication des voyages et des échanges commerciaux facilités par les progrès des transports.
… l’Orient, soit comme une image, soit comme pensée, est devenu, pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale […] ces pensées se sont trouvées tour à tour et presque sans l’avoir voulu hébraïques, turques, grecques, persanes, arabes, espagnoles même, car l’Espagne, c’est encore l’Orient ; l’Espagne est à demi africaine, l’Afrique est à demi asiatique.
Victor Hugo, préface des OrientalesMiroirs de la musique - La musique et ses correspondances avec la littérature et les beaux-arts de 1800 à 1950 - François Sabatier - Éd. Fayard - p. 237.
Avant le XIXe siècle
L’Orient est présent depuis longtemps dans l’art occidental. En musique, une grande partie des instrumentscomme l’archet des instruments à cordes frottées, la famille des violons ou la guitare sont nés de la découverte des cultures orientales et les croisades ont été une source d’enrichissements pour la culture occidentale. La traduction et la publication, en 1704, des contes des Mille et Une Nuits, riches en représentations plus ou moins réalistes de l’Orient, nourrissent l’imagination de plusieurs générations d’artistes. La musique du XVIIIe siècle compte maintes « turqueries ». L’univers oriental emplit déjà les œuvres des compositeurs, les livrets de ballets ou d’opérasla Marche pour la cérémonie des Turcs du Bourgeois Gentilhomme de Lully ; <emciteL’Enlèvement au sérail ou La Flûte enchantée de Mozart ; La Caravane du Caire de Grétry… .
Orientalisme
L’orientalisme est le nom donné à un courant artistique au XIXe siècle. Il ne désigne pas un style, mais plutôt un thème, une source d’inspiration privilégiée en peinture, en littérature et en musique. Les grands explorateurscomme Cook au XVIIIe siècle, ou Livingstone au XIXe, les campagnes d’Égypte et la conquête de l’Algérie par BonaparteCelui-ci était suivi par des scientifiques, des historiens, des dessinateurs..., la publication d’ouvrages comme Paul et Virginieroman de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, paru en 1788 et dont l’action se déroule sur l’Île Maurice renforcent l’engouement pour l’Orient et en offrent des connaissances plus justes et plus précises. Les artistes romantiques attirés par cet ailleurs peuvent alors donner plus de force et de réalisme à leurs œuvres, même si leur Orient comporte encore une grande part d’imaginaire. Cependant, l’auditeur ne trouve de dépaysement que dans les thèmes, les décors ou les costumes. La musique, elle, est toujours occidentale, car en réalité, peu de compositeurs ont eux-mêmes voyagé. Parmi eux, Félicien David (1810-1876), compositeur peu connu, puis Camille Saint-Saëns (1835-1921) ont coloré leur langage de quelques motifs inspirés de leurs séjours, en Égypte pour le premier, et en Algérie pour le second.
Voici quelques exemple d’œuvres orientalistes du XIXe siècle :
- En peinture :
- Femmes d’Alger dans leur appartement, Eugène Delacroix
- Le Pays de la soif, Eugène Fromentin
- Le Sahara, Gustave Guillaumet - En littérature :
- Les Orientales, Victor Hugo
- Voyage en Orient, Alphonse de Lamartine
- Aziyadé, Pierre Loti - En musique :
- La Captive, Hector Berlioz
- Aïda, Giuseppe Verdi
- Shéhérazade, Nikolaï Rimski-Korsakov
Une source de renouveau
Les expositions universelles qui ont lieu dans la deuxième moitié du XIXe siècle renforcent ce courant artistique. La culture extrême-orientale qu’on y découvre vient apporter un souffle nouveau. À l’orée du XXe siècle, elle amène aux jeunes artistes un moyen de renouveler leur langage. C’est le cas de la peinture impressionniste qui se nourrit de l’art japonais dans ses cadrages, ses techniques. En musique, les échelles pentatoniques, la gamme par tons, les sonorités des percussions offrent autant de matériau nouveau. L’Orient entre alors dans la conception même de l’œuvre, à travers la modification du langage musical. L’un des premiers compositeurs français à s’engager dans cette voie est Claude Debussy, inspiré par la musique de Bali et de Java qu’il découvre à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Les musiciens russes ont, quant à eux, précédé les français dans l’utilisation de ces échelles de sons, plus proches de leur propre culture déjà presque orientale. Ils influenceront particulièrement les compositeurs français.
Auteure : Aurélie Loyer