Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871)
Auber, né en 1782 et mort en 1871, est l’un des grands compositeurs français de la première moitié du XIXe siècle. Fils de Jean-Baptiste Daniel Auber, qui a été peintre, officier des chasses du roi jusqu’à la Révolution et éditeur après 1789, Daniel-François-Esprit n’est pas destiné d’abord à la carrière musicale. Pourtant, il se signale assez jeune, dans le salon de son père, par ses dons de chanteur et d’instrumentisteIl pratique le piano, le violon, et le violoncelle.. De plus, il compose de nombreuses œuvres durant les années 1790 : des airs et des romances, une sonate pour piano, des quatuors à cordes, un trio avec piano, un quatuor pour piano et cordes... Mais le père d’Auber souhaite que son fils lui succède à la tête de sa maison d’édition : en 1802, il l’envoie en Angleterre, à Londres, pour qu’il y apprenne l’anglais et développe ses connaissances en matière de commerce. Cependant, avec la reprise des guerres napoléoniennes en Europe, Auber doit rentrer à Paris : c’est là qu’il s’installe définitivement et se consacre à la musique.
Ses activités musicales sont multiples. En 1805, il compose son premier opéra, Julie. Dans ces années-là, il prend aussi des leçons de composition auprès de Luigi Cherubinicélèbre notamment grâce à sa tragédie lyrique Médée (1797), l’un des grands compositeurs de la période révolutionnaire. Auber fréquente également les salons, notamment le salon du prince de Chimay, où il accompagne au piano les plus grands interprètesles violonistes Kreutzer, Rode et Baillot, le violoncelliste Lamare. Pour le prince, il dirige aussi des opéras dans un petit théâtre situé dans le château de Chimay, et compose une messe et un opéra en 1812. Mais Auber ne connaît pas de grands succès publics jusqu’en 1820. Cela dit, il n’a pas encore dévoilé toute la mesure de son talent.
Une circonstance malheureuse l’oblige, à partir de 1820, à composer plus régulièrement qu’il ne l’a fait jusqu’alors : lorsque son père meurt, il laisse une entreprise en faillite, et la famille est complètement ruinée. Auber décide de devenir compositeur professionnel et de gagner sa vie avec ses œuvres. Dès lors, il produit des opéras-comiques presque chaque année, et son talent le fait connaître rapidement du public parisien. Ses premiers ouvragesLa Bergère châtelaine, Emma sont applaudis. À partir de 1823, Auber commence à collaborer avec Eugène Scribe, qui sera l’un des plus grands librettistes du siècle. Leur tandem fonctionne à merveille, et les deux hommes livrent chaque année, de 1823 à 1828, un ou deux ouvrages représentés dans la salle de l’Opéra Comique à Paris.
Le plus célèbre de ses opéras, La Muette de Portici, est créé en 1828 et il s’agit d’un événement exceptionnel : les décors, l’histoire, la musique... tout impressionne un public qui commence à découvrir depuis quelques années les œuvres romantiques. Le succès est immédiat et international : le livret est traduit en de nombreuses langues et l’opéra est interprété dans toute l’Europe. Scribe et Auber deviennent alors les chefs de file de l’opéra français ; de leur association naît un nombre considérable d’opéras et d’opéras-comiques dans les années 1830 et 1840, dont La Fiancée (1829), Fra Diavolo (1830) ou Le Domino Noir (1837). Puis, peu à peu, les deux auteurs abandonnent le ton léger de leurs premières œuvres pour aborder des genres plus ambitieux et plus sérieux : opéra historiqueGustave III (1835), dont la scène du bal, avec trois cent personnes sur scène, a marqué le public, opéras « demi-sérieux »Haydée en 1847, Manon Lescaut en 1856, opéra bibliqueL’Enfant prodigue en 1850. Mais, jusqu’à la fin de sa vie, Auber reste attaché à l’opéra-comique et aux sujets légers : ses deux dernières œuvres, Le Premier jour du bonheur et Rêve d’amour, connaissent encore le succès.
En raison de sa gloire, Auber a reçu un certain nombre de distinctions et de charges honorifiques : officier de la Légion d’honneur en 1825, élu à l’Académie des beaux-arts en 1829, maître de chapelle de Napoléon III en 1852, il a été surtout directeur du Conservatoire de 1842 à sa mort en 1871. Rien n’est donc plus étranger à son esprit et à sa carrière que l’image romantique d’un artiste maudit, incompris et isolé : compositeur par nécessité autant que par goût, Auber a recherché et obtenu les honneurs et le succès public grâce à des œuvres fortes ou plaisantes, dans lesquelles il se laissait aller à son talent de mélodiste. Ce qui explique sans doute que sa musique, accessible et efficace, ait été parfois peu appréciée d’autres grands compositeurs romantiques comme Schumann ou Berlioz, mais qu’elle ait aussi été jouée tout au long du XIXe siècle dans l’Europe entière.
Auteur : Christophe Corbier