Henry Purcell (1659-1695)
Une naissance dans l’Angleterre de la Restauration
Henry Purcell naît à Londres en 1659, alors que la ville panse encore ses plaies : après l’exécution publique du roi Charles Ier, la république puritaine d’Olivier Cromwell impose un « art moral » écrasant qui étouffe toute vie culturelle. La musique se joue alors en privé. Mais l’année qui suit la naissance de Purcell, le roi Charles II revient de son exil et restaure la royauté, donnant à la vie musicale un nouveau souffle.
Purcell naît dans une famille de musiciens et habite près de l’abbaye de WestminsterNon loin de là, demeurent les célèbres compositeurs Henry Lawes et Christopher Gibbons.. Le père et l’oncle d’Henry sont tous deux choristes à la chapelle royale, et deviennent vite musiciens de la King’s Music, la bande de violons de Charles II, inspirée des violons du roi de Louis XIV. Le jeune Henry Purcell est donc bercé par la musique dès son plus jeune âge.
Chanteur dans la maîtrise de la chapelle royale
Alors que Purcell n’a que cinq ans, son père meurt brusquement. Il est alors pris en charge par son oncle. D’autres événements marquent profondément l’esprit du jeune homme : une épidémie de peste ravage la population londonienne, et un grand incendie détruit plus de 10 000 maisons en quelques jours. Purcell a sept ans. L’année suivante, il rejoint la maîtrise de la chapelle royale, dirigée par Henry Cooke. Il y reçoit une excellente éducation, tant musicale que générale : cours de chant, de solfège, de luth, de violon, de clavecin et de composition, mais aussi d’écriture et de latin, dans une rigueur presque militaire. Alors qu’il n’a que huit ans, il voit sa première œuvre publiée à Londres, dans le recueil Catch that Catch can.
Les années de formation
Vers quatorze ans, la voix d’Henry mue, et il ne peut plus chanter à la maîtrise. Heureusement, la même année, il devient assistant de John Hingeston, son parrain, organiste responsable de l’entretien, de la réparation, de la facture et de l’accord des instruments à clavier et à vent du roi. Il continue néanmoins à travailler la composition et à se former auprès de John Blow, Christopher Gibbons, et probablement Matthew Locke.
Compositeur royal
À la mort de Matthew Locke (1677), Purcell devient compositeur pour les violons du roi. C’est un tournant dans sa vie, il vient d’avoir dix-huit ans. En hommage à Locke, il écrit une élégie What hope for us remains now he is gone, dont le style encore jeune trahit déjà une habileté particulière à mettre la langue anglaise en valeur. À vingt ans, il est nommé organiste titulaire de l’abbaye de Westminster, poste qu’il occupera toute sa vie. Il montre pour cet emploi des dispositions exceptionnelles. Il a alors l’occasion de jouer les œuvres de ses contemporains mais aussi les siennes : il écrit notamment les Funeral Sentences, hymnes polyphoniques accompagnés à l’orgue.
Henry Purcell veut constamment élargir sa culture musicale. Il étudie, recopie, arrange les œuvres des italiens Monteverdi et Carissimi, se tient au courant de la vie musicale française et des nouveautés de Lully, déchiffre les manuscrits rapportés par les voyageurs. Toutes ces découvertes l’amènent à se forger son propre style. En 1680, Purcell rencontre et épouse Frances Peters, qui restera sa compagne toute sa vie. Durant cette période, et jusqu’à la mort du roi Charles II, il se consacre pleinement à son activité de compositeur du roi.
Organiste du roi
Alors que la renommée de Purcell grandit sans cesse, l’un des trois organistes de la chapelle royale, Edward Lowe, meurt. Purcell lui succède à ce poste prestigieux. Cette charge implique une grande disponibilité : il doit assister à tous les offices, ce qui lui laisse peu de temps pour la composition. Un an plus tard, il est aussi chargé de l’entretien des instruments du roi.
Jacques II, roi catholique
En 1685, le roi Charles II meurt brusquement. Le roi Jacques II est alors couronné. Mais ce dernier privilégie à la cour les musiciens catholiques, et réorganise son institution musicale. Les Français et Italiens sont à l’honneur, au détriment de Purcell et de ses pairs. Le compositeur écrit moins de musique religieuse mais est sollicité pour les cérémonies officielles, notamment l’anniversaire de Jacques II. L’orchestre prend une place croissante dans ses compositions.
La Glorieuse Révolution
Entre 1688 et 1689 se déroule sans violence une révolution menée par les élites aristocratiques et bourgeoises. Jacques II est chassé et c’est sa fille Marie II Stuart et son mari Guillaume III qui lui succèdent. Marie devient commanditaire de Purcell : à partir de 1689, il compose une ode par an pour son anniversaire. C’est pendant cette période que Purcell donne son opéra Dido and Aeneas, certainement composé quelques années auparavant. Il devient le principal artisan de la création d’un opéra spécifiquement anglais. Il s’illustre alors dans le genre du semi-operapièce de théâtre hybride typiquement anglaise, alliant le chant, la danse, la musique instrumentale et des effets scéniques spectaculaires utilisant pour la première fois au théâtre un grand orchestre « à la française » avec trompettes, timbales, hautbois, flûtes à bec et basson français. Il collabore avec le poète John Dryden pour King Arthur, et s’inspire du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare pour The Fairy Queen. Ces semi-operas rencontrent un succès immense et Purcell devient un musicien extrêmement renommé. Il est au sommet de son art. Son écriture vocale de plus en plus complexe se met au service d’un sens inné de la surprise et de la maîtrise des émotions du public.
Funérailles
En 1694, la reine Marie, atteinte de petite vérole, s’éteint. Toutes les œuvres interprétées lors des funérailles sont de Purcell. Henry poursuit la création de ses semi-operas, avec The Indian Queen puis Abdelazer ou La Revanche du Maure, sur une tragédie d’Aphra Behn. Le compositeur est très demandé, et sa santé se détériore. Il meurt peu de temps après. Le 21 novembre, ses funérailles ont lieu à l’abbaye de Westminster, où l’on joue la musique qu’il avait lui-même composée pour les funérailles de la reine Marie. Il est enterré au pied de l’orgue de l’abbaye.
Auteure : Bérénice Blackstone